Lorsque les températures sont élevées en été, beaucoup se permettent un petit plaisir glacé pour se rafraîchir. Le problème, c’est qu’en pleine canicule, une course contre la montre s’enclenche pour ne pas que cette crème glacée ne se transforme en gourmandise fondue avant d’avoir pu y donner tous ses coups de dents ou de cuillère. Rapidement, la glace se transforme en effet en un liquide épais et collant qui peut vite couler le long de vos doigts jusqu’à atteindre vos vêtements favoris. Toutefois, la science pourrait apporter une solution. Quelques années après la découverte de la protéine naturelle BslA pour limiter la fonte, c’est en effet au tour de Cameron Wicks, étudiante au doctorat à l’Université du Wisconsin-Madison (États-Unis) et chercheuse, d’apporter sa contribution. Et grâce à sa découverte, les desserts glacés du futur pourront facilement passer des heures à température ambiante sans flancher.
Les polyphénols : le secret d’une glace sans fonte ?
La clé des recherches de Cameron Wicks est les polyphénols. Ces antioxydants anti-inflammatoires sont naturellement présents dans de nombreux aliments, à commencer par les fruits (baies, cerises, pommes…), les légumes (épinards, chou et oignons rouges, carottes…) et les graines (amandes, graines de chia…). On en retrouve aussi dans le thé vert, le thé noir, la cannelle ou encore l’origan pour ne citer que ces exemples. On leur reconnaît de nombreux bénéfices santé. Par exemple, ces composés peuvent contribuer à limiter la formation de caillots sanguins, à contrôler son taux de glycémie, à combattre les bactéries intestinales nocives, à œuvrer pour la santé des fonctions cérébrales ou même possiblement à inhiber la croissance des cellules cancéreuses.
C’est néanmoins pour une tout autre capacité que ces recherches mettent en avant les polyphénols. Lors de l’ajout dans la crème glacée, la chercheuse a découvert que cet ingrédient permettait d’améliorer l’épaisseur et la viscosité du dessert. En effet, il interagit avec les protéines qui se trouvent autour des molécules de gras dans la glace. En s’associant aux molécules de peptides dans la formule, cela va alors permettre d’obtenir un complexe protéines-polyphénols, qui va alors aider à former un regroupement de molécules grasses et ainsi permettre de donner à la recette une texture moins sujette à la fonte à température ambiante.
Au final, ce procédé purement physique n’empêche pas la crème glacée de fondre à proprement parler, mais les connexions créées par ce biais vont résister à l’épanchement des cristaux de glace à l’intérieur, permettant ainsi à la recette de garder sa forme et de moins couler.
Des tests sur la crème glacée
Pour tester l’efficacité du procédé, la chercheuse et son équipe ont comparé le taux de fonte de la glace classique avec des recettes contenant différentes concentrations de polyphénols. Les échantillons de crème glacée étaient ensuite placés sur un bécher couvert par un filet à mailles fines, le tout à température ambiante et placé sur une balance. « La crème glacée normale fond et passe à travers le filet en deux heures, alors que celle qui contient les polyphénols peut rester au-dessus du fil de fer pendant plus de quatre heures et seuls 10 % de son poids total auront coulé dans le bécher pendant cette durée », explique la chercheuse.

L’équipe a également découvert un autre avantage étonnant de cette méthode. Au fil du temps, la crème glacée dans le congélateur peut brûler. De gros cristaux vont alors s’y former, ce qui rend la texture beaucoup moins crémeuse et lisse. Cependant, les antioxydants ajoutés dans la formule permettent de réduire la formation de ces cristaux. Cela permet ainsi de préserver la qualité du dessert glacé sur la durée. En outre, cela pourrait favoriser son transport vers des climats plus chauds. En effet, la fonte de la glace et sa reformation ensuite peuvent également favoriser l’apparition des brûlures à la congélation.
Une solution prometteuse, mais encore à creuser
Finalement, les polyphénols ont un effet similaire à celui des stabilisateurs couramment utilisés dans l’industrie alimentaire. Ces ingrédients permettent en effet eux aussi de limiter la formation de cristaux et d’améliorer la conservation de la crème glacée, tant pour faire le relai de l’usine aux lieux de distribution que des magasins jusqu’à la maison. Néanmoins, bien que généralement efficaces pour limiter la texture dure et granuleuse au fil du temps, ces ingrédients chimiques n’empêchent pas la fonte. Surtout, beaucoup sont décriés pour leurs effets négatifs sur la santé et des questions de sécurité alimentaire.
À titre d’exemple, le carraghénane a été épinglé dans une étude en 2015 pour son effet pro-inflammatoire qui peut favoriser des troubles de la flore intestinale ou la polyarthrite rhumatoïde. Et si tous les chercheurs ne s’accordent pas à ce sujet, ces travaux avaient en tout cas attiré l’attention sur cet ingrédient, utilisé régulièrement dans l’industrie alimentaire, et notamment dans les glaces.
En comparaison, les polyphénols pourraient aider à répondre à la demande croissante de produits plus naturels et facilement reconnaissables des consommateurs, d’autant qu’ils sont quant à eux reconnus pour leurs bienfaits pour la santé. De plus, ils pourraient être plus facilement accessibles partout dans le monde, même dans des zones plus reculées. Néanmoins, l’équipe de chercheurs n’a pas livré la concentration utilisée et si les résultats sont effectivement prometteurs, ils ne cachent pas que les polyphénols peuvent affecter le goût du produit final. Or, ils peuvent avoir un côté légèrement astringent. Des analyses sensorielles et des tests gustatifs supplémentaires seront donc nécessaires avant de voir les glaces aux polyphénols arriver sur le marché.
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