Nommer les vagues de chaleur, bonne ou mauvaise idée ?

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Avec l’aggravation des vagues de chaleur et des impacts qui leur sont associés, l’idée d’attribuer un nom à ces dernières comme on le fait pour les cyclones tropicaux émerge petit à petit dans l’opinion et même chez certains experts. Alors, bonne ou mauvaise idée ?

En tant qu’institution spécialisée des Nations Unies, l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) est chargée de coordonner au niveau international la dénomination des systèmes météorologiques à forts impacts comme les tempêtes ou les cyclones tropicaux. En effet, pour faciliter la communication et éviter tout malentendu sur la perturbation discutée, des conventions sont établies à l’échelon mondial.

Récemment, la commission dédiée de l’OMM a par exemple décidé que l’alphabet grec ne serait plus utilisé comme liste de secours si le nombre de cyclones tropicaux venait à être supérieur à celui des noms figurant dans la liste nominale. Une seconde liste est donc désormais préparée pour parer à cette éventualité.

Devrait-on nommer les vagues de chaleur ?

Dans un contexte de réchauffement climatique où les températures menacent de façon croissante la santé des populations, les infrastructures et les activités agricoles, des voix plaident pour l’adoption d’un système de dénomination analogue à celui des cyclones, mais pour les vagues de chaleur. Il semble en effet plus facile de sensibiliser, de communiquer et de se préparer au danger lorsque celui-ci est dûment nommé.

« L’OMM est consciente de l’intérêt que suscite actuellement l’élaboration de systèmes de classement et de dénomination des vagues de chaleur », rapporte l’institution dans un communiqué récent, en reconnaissant qu’« il n’existe actuellement aucun système ou protocole international convenu pour nommer ou coordonner la dénomination des vagues de chaleur ».

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Si les avantages liés à la dénomination des vagues de chaleur sont brandis par ses défenseurs, les inconvénients sont peu évoqués. Ils sont pourtant capitaux. Soulignons tout d’abord que les cyclones tropicaux et les canicules sont des phénomènes très différents et que ce qui fonctionne avec les uns ne fonctionne pas forcément avec les autres. Par exemple, les seuils à partir desquels un épisode de chaleur devient anormal, donc dangereux, varient très largement entre les pays et à l’intérieur même de chaque pays.

Un enthousiasme à modérer et des inconvénients à ne pas sous-estimer

Comment concilier cet état de fait avec un phénomène qui couvre habituellement plusieurs dizaines de milliers de kilomètres carrés ?

« Dans la plupart des pays, seules les agences nationales désignées, telles que les services météorologiques ou les agences de santé publique, ont la responsabilité d’émettre des alertes officielles de chaleur », rappelle l’OMM. « Les pratiques indépendantes de classement et de dénomination des vagues de chaleur, qui ne sont pas coordonnées avec les systèmes d’alerte officiels, risquent de perturber les protocoles de protection civile et les efforts de coordination, d’entraîner des conséquences négatives inattendues ou de réduire l’efficacité des mesures d’alerte et de protection ».

C’est ce qu’il s’est quelque peu passé en Italie où les médias ont récemment attribué un nom peu académique à une vague de chaleur, ce qui a beaucoup fait parler sur les réseaux sociaux. Ces interférences avec les communications institutionnelles et les alertes officielles constituent des dérives potentiellement dangereuses résultant des pratiques de nomination mal contrôlées. Il existe également le risque de fausse alarme dans le cas où l’attribution d’un nom se fait sur la base de prévisions météorologiques à des échéances lointaines.

En conclusion, si la mise en place d’un système de dénomination officiel par l’OMM n’est pas à l’ordre du jour pour les vagues de chaleur, la commission de l’institution continue de se pencher sur la question. « La coordination d’activités expérimentales de nommage des vagues de chaleur avec les systèmes officiels nationaux est suggérée pour éviter toute confusion et interférence avec la communication publique existante et les procédures ou protocoles opérationnels dédiés ».