Les marées auraient une influence stabilisatrice sur les plateformes de glace

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Crédits : Wikimedia Commons.

Des travaux rĂ©cemment publiĂ©s dans la revue Geophysical Research Letters ont mis en Ă©vidence une influence stabilisatrice des marĂ©es sur les barrières de glace de l’Antarctique. Les rĂ©sultats s’appuient sur un ensemble d’observations satellitaires portant sur la plateforme d’Amery situĂ©e Ă  l’est du continent blanc.

Les plateformes de glace constituent le prolongement marin d’une calotte polaire. Il s’agit d’un type de glacier particulièrement surveillé dans le contexte du réchauffement actuel, car leur déstabilisation accélère l’écoulement glaciaire qui les alimente, autrement dit le transfert d’eau depuis le socle continental vers l’océan. Aussi, leur impact sur l’élévation du niveau des mers est capital.

Les Ă©tudes qui portent sur l’évolution des plateformes de glace ont souvent mis en exergue des processus dĂ©stabilisateurs et amplificateurs de la fonte avec par consĂ©quent un risque revu Ă  la hausse. Ă€ cĂ´tĂ© de cela, de nouveaux travaux ont identifiĂ© un Ă©lĂ©ment stabilisateur qui n’avait jusqu’Ă  prĂ©sent pas Ă©tĂ© pris en compte dans les thĂ©ories et autres modĂ©lisations numĂ©riques.

L’influence stabilisatrice des marées sur les plateformes de glace

Ce facteur est l’influence des marées sur la dynamique des barrières de glace, en particulier sur la vidange des lacs de fonte qui se forment à la surface. En étudiant un ensemble de données satellitaires portant sur le lac supraglaciaire qui apparaît chaque été sur la plateforme d’Amery en Antarctique de l’Est, les chercheurs ont constaté que la marée facilitait l’évacuation de l’eau par fracturations et tendait finalement à stabiliser la plateforme.

En effet, une quantitĂ© moindre d’eau s’accumule alors en surface, ce qui limite l’apparition de fractures supplĂ©mentaires. Autrement dit, au lieu d’affaiblir la glace sur une Ă©tendue et une pĂ©riode prolongĂ©es, le lac est drainĂ©, puis vidĂ© en quelques jours Ă  peine. Il s’agit en quelque sorte d’un moyen efficace de dĂ©barrasser la plateforme de l’eau de fonte qui la fragilise.

plateformes de glace
Localisation et vue satellitaire de la barrière de glace d’Amery et du lac Ă©tudiĂ© (flèche rouge) (a). Apparition et vidange abrupte du lac entre dĂ©cembre 2017 et fĂ©vrier 2018 (b, c, d, e). CrĂ©dits : Luke D. Trusel & coll. 2022.

« Ce n’est pas le plus grand lac, mais il est apprĂ©ciable en termes de taille », rapporte Luke Trusel, auteur principal de l’étude. « L’aspect le plus intĂ©ressant est la dynamique, la façon dont l’eau Ă©volue si rapidement et ce que cela peut signifier pour notre comprĂ©hension de la stabilitĂ© des plateformes. Un grand volume d’eau disparaĂ®t et cela se produit presque chaque annĂ©e ».

Un mécanisme basé sur des contraintes mécaniques

Les images satellitaires du lac après vidange ont conduit l’équipe de scientifiques à conclure que l’eau était drainée quasi verticalement sur plus de six cents mètres de profondeur depuis la surface jusqu’à la base de la plateforme. Arrivée au pied du glacier, l’eau rejoint l’océan. Or, ces épisodes de drainage sont plus ou moins phasés avec la pleine et la nouvelle lune, ce qui suppose que les marées jouent un rôle significatif dans le processus.

Dans leur papier, les auteurs expliquent qu’au moment de la marĂ©e haute, la couche de glace posĂ©e sur la mer flĂ©chit vers le haut et inversement au moment de la marĂ©e basse. Les contraintes mĂ©caniques gĂ©nĂ©rĂ©es par ces flexions facilitent le dĂ©veloppement de fractures qui, en prĂ©sence d’un lac, peuvent s’étendre et finir par conduire Ă  la vidange de celui-ci. C’est vraisemblablement ce qu’il se passe chaque annĂ©e pour le lac de fonte Ă©tudiĂ© par les chercheurs.

La prochaine Ă©tape vise dĂ©sormais Ă  Ă©valuer la proportion de lacs glaciaires soumis Ă  l’influence stabilisatrice des marĂ©es, et ce, aussi bien autour de l’Antarctique que du Groenland. « Dans certains cas, l’eau et la glace peuvent coexister », souligne le professeur Trusel. « Nous devons en savoir plus quant Ă  son impact exact sur la stabilitĂ© des plateformes de glace ».