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Crédits : NASA/Goddard/Université de l'Arizona

Manger des astéroïdes : l’idée folle pour nourrir les futurs astronautes

Au cours de leurs longs voyages dans l’espace, les astronautes ne peuvent pas uniquement compter sur la nourriture lyophilisée qui pourrait venir à manquer et qu’ils ne pourraient pas se faire livrer au regard des distances éloignées auxquelles l’humanité projette de voyager. Pour s’assurer de pouvoir combler les besoins alimentaires des futurs voyageurs spatiaux (et au passage aussi leur apporter une forme de réconfort émotionnel), les scientifiques du monde entier comme les agences spatiales redoublent d’inventivité pour mettre au point la nourriture spatiale de demain. Par exemple, des expériences menées à bord de l’ISS visent à faire pousser des aliments frais (salade, piment, etc.). Toutefois, ces technologies ne sont pas encore très avancées. Et si la solution était la nourriture créée à partir d’astéroïdes ?

Les astéroïdes : la nourriture spatiale de demain ?

Dans une étude publiée jeudi dans The International Journal of Astrobiology, des scientifiques suggèrent que les astronautes pourraient se tourner vers les astéroïdes pour des repas à volonté comestibles et nutritifs sous la forme de milkshake ou de yaourt. Joshua Pearce, de l’Université Western en Ontario, Canada, et ses collègues ne proposent toutefois pas de croquer directement dans les roches. Au lieu de cela, un processus chimique et physique décomposerait le matériau de l’astéroïde et les composants organiques résultants (des composés hydrocarburés) seraient ensuite donnés aux bactéries pour les nourrir. Une fois bien nourrie, cette collection de microbes, désignée dans l’étude par le nom plus appétissant de biomasse, pourra être consommée.

Pour confirmer si les microbes consomment bien le matériau des astéroïdes, Annemiek Waajen, de l’Université libre d’Amsterdam, avait par le passé mené des recherches publiées dans les revues Astrobiology et Scientific Reports qui visaient à donner des morceaux de météorites tombées sur Terre à des microbes. Or, selon la chercheuse, les microbes ont bel et bien grandi après avoir consommé les roches, montrant que les scientifiques tiennent peut-être une piste.

Le cas de l’astéroïde Bennu

Les chercheurs ont souhaité déterminer combien de matériau d’astéroïde serait nécessaire pour subvenir aux besoins des astronautes lors de longs voyages, une donnée importante pour jauger la viabilité potentielle de cette méthode théorique.

Pour ce faire, ils ont ici utilisé l’astéroïde Bennu comme référence. Selon la NASA, sa masse totale est d’environ 85,5 millions de tonnes et des recherches antérieures ont montré qu’il est composé de matériaux que les microbes pourraient consommer. Or, les calculs montrent même avec une décomposition peu efficace du carbone par ces micro-organismes, cela suffirait amplement à soutenir un astronaute pendant 600 ans. Néanmoins, ces estimations rendent compte du scénario le plus pessimiste. Dans le meilleur des cas, les chercheurs tablent en effet plutôt sur une estimation de 17 000 ans.

Ensemble d'astéroïdes isolés sur le fond blanc
Source: DR
Crédits : Dottedhippo/iStock

Une technologie déjà connue de l’équipe pour convertir ces objets en nourriture

Pour l’heure, le processus chimique et physique envisagé par l’équipe n’a jamais été utilisé pour décomposer de véritables astéroïdes. Néanmoins, des expériences ont déjà utilisé des bactéries pour décomposer le plastique des rations militaires. En effet, les militaires « ne veulent pas les jeter ; ils ne veulent pas les brûler ; ils ne veulent pas les rapporter », explique Joshua Pearce, un professeur d’ingénierie à l’Université Western en Ontario, qui collabore à ce projet d’astéroïdes comestibles dirigé par des chercheurs de l’Université technologique du Michigan.

Sous l’égide du Département de la Défense des États-Unis, son équipe a alors cherché à transformer ces contenants en plastique en plus de nourriture et mené des expériences pour réaliser cet objectif. Le processus impliquait une technique appelée pyrolyse qui décomposait le plastique en un solide, un gaz et une huile. Cette même huile servait ensuite à nourrir les bactéries dans un bioréacteur pour produire la fameuse biomasse avec des propriétés nutritionnelles similaires aux aliments que nous mangeons quotidiennement.

Selon Pearce, les bactéries ainsi obtenues ressemblaient d’abord à « une bouillie de couleur chair », puis l’amélioration du procédé a permis d’obtenir un produit ressemblant à un milkshake au caramel. L’équipe a aussi essayé de sécher cette substance pour produire quelque chose qui ressemble à du yaourt ou même à une poudre.

Inspirés par ces expériences, les chercheurs ont imaginé la possibilité de la reproduire avec les astéroïdes, très riches en carbone tout comme le plastique.

Manger des astéroïdes, ce ne sera pas pour demain…

Pour l’heure, l’idée d’utiliser des astéroïdes comme engrais pour la production de biomasse reste purement théorique et n’en est qu’à ses balbutiements. De nombreux tests seront en effet à réaliser pour s’assurer que le produit obtenu ne sera pas toxique et qu’il sera bel et bien consommable. Les scientifiques soulignent en outre que la composition variable des astéroïdes risque de poser des défis supplémentaires. En tout cas, l’équipe compte bien mettre la théorie en pratique et Joshua Pearce a non sans humour promis d’être le premier à goûter la biomasse résultante. Il ajoute aussi qu’en cas de survie, les expériences passeraient à l’étape suivante.

Cette recherche met en tout cas en lumière le désir de l’humanité de trouver de nouvelles solutions, parfois étonnantes (voire farfelues), pour soutenir la vie dans l’espace profond où les méthodes traditionnelles de fourniture de ressources pourraient se révéler impossibles ou tout simplement inefficaces.

Retrouvez ces recherches sur ce lien.

Julie Durand

Rédigé par Julie Durand

Autrefois enseignante, j'aime toujours autant partager mes connaissances et mes passions avec les autres. Je suis notamment passionnée par la nature et les technologies, mais aussi intriguée par les mystères nichés dans notre Univers. Ce sont donc des thèmes que j'ai plaisir à explorer sur Sciencepost à travers les articles que je rédige, mais aussi ceux que je corrige.