Les premières secondes du Big Bang : ce que l’on sait et ce que l’on ignore

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Illustration d'artiste du Big Bang. Crédits : ESA

Considéré à tort comme une explosion primordiale, le Big Bang ne représente pas un point de départ, mais la ligne d’horizon au-delà de laquelle on ne peut aller, et à partir de laquelle sont nées les notions d’espace et de temps. Que savons-nous de cette époque primitive ?

La découverte en 1929 par Edwin Hubble que l’Univers était en expansion eut des conséquences très lourdes pour la cosmologie. En effet, si l’univers est en expansion, alors il fut un jour beaucoup plus concentré. Prendre le temps à rebours est possible, mais jusqu’à une certaine limite. Parvenir au temps zéro nous est en effet impossible (les équations ne le permettant pas). En revanche, on peut s’en rapprocher.

Expansion et premiers éléments

Il y a 13,77 milliards d’années, nous savons que notre univers était incroyablement chaud (plus d’un quadrillion de degrés). Il était également incroyablement petit (de taille d’une orange). Les astronomes soupçonnent que lorsqu’il avait moins d’une seconde, le cosmos a traversé une période d’expansion incroyablement rapide connue sous le nom d’inflation. En moins d’un clin d’oeil, notre univers s’est alors agrandi d’un facteur d’au moins 10 ^ 52.

Une fois cette phase d’expansion terminée, ce qui a généré cette inflation en premier lieu (nous ne savons pas de quoi il s’agit) s’est décomposé, inondant l’univers de matière et de rayonnement.

À cet instant, l’univers était trop chaud et trop dense pour que quelque chose de stable puisse se former. Le cosmos n’était qu’une soupe de particules élémentaires de matière et d’antimatière nées de l’énergie pure composée de quarks et d’antiquarks, d’électrons et de positrons, de neutrinos et d’antineutrinos qui s’annihilaient dès qu’elles se rencontraient.

Toujours durant cette première seconde, la force nucléaire a ensuite amené les quarks à se rassembler pour former des protons ou des neutrons. Ces derniers formeront à leur tour les noyaux des atomes d’hydrogène.

La première seconde enfin écoulée, l’univers a ensuite continué à se dilater et à se refroidir lentement, menant la force nucléaire forte à associer protons et neutrons. Au bout de trois minutes, les premiers noyaux d’atomes un peu plus complexes que le simple noyau d’atome d’hydrogène ont alors pu voir le jour.

La nucléosynthèse se poursuivra naturellement pendant plusieurs minutes, puis il faudra attendre les machines à fusion thermonucléaire que sont les premières étoiles pour enrichir le tableau des éléments.

Tout cela n’est connu que par le biais du calcul, car aucune de ces phases primordiales ne sera jamais observable par nos instruments. Notre monde restera en effet opaque jusqu’à ses 380 000 ans, date à laquelle les premières étoiles se sont « allumées ».

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Du Big Bang à nos jours. Crédits : Wikipédia

Matière noire et inflation

Si certains détails sont effectivement déduits, nous ignorons également beaucoup de choses, en particulier durant la période précédant la formation des premiers éléments. 

La question de la matière noire se pose, par exemple. Nous ne savons pas de quoi elle est faite, mais nous savons qu’elle représente plus de 80% de la matière de l’univers. Nous ne savons pas non plus quand ni comment la matière noire est entrée en scène. Est-elle apparue durant les premières secondes ou bien plus tard ? A-t-elle agi sur la chimie primitive conduisant à la formation des premiers éléments ou est-elle restée en arrière-plan ? On l’ignore.

L’inflation pose également problème. Nous ne savons pas ce qui a fourni la source d’alimentation de cet incroyable événement d’expansion. Si l’on sait combien de temps cette phase a duré, on ignore en revanche comment et pourquoi elle s’est finalement arrêtée.

Matière/anti-matière

Autre problème, et non des moindres, celui de l’asymétrie matière-antimatière. Nous voyons à partir d’expériences que la matière et l’antimatière sont parfaitement symétriques : pour chaque particule de matière créée lors de réactions à travers l’univers, il y a une particule d’antimatière correspondante.

Or, nous savons que durant cette fameuse « première seconde », la matière dont nous sommes constitués a pris le pas sur l’antimatière. Ces deux formes de matière ne se sont donc pas comportées de la même manière. À l’heure actuelle, on ignore encore les raisons de ce déséquilibre.

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Crédits : Hubble / NASA / ESA

Ainsi, de nombreuses pages blanches demeurent sous le nez des cosmologistes, mais nous essayons toujours d’étudier cette époque primitive.

Si nous ne pouvons pas voir directement l’état de l’univers alors qu’il n’avait que quelques secondes, nous pouvons notamment essayer de recréer ces conditions dans nos puissants accélérateurs de particules.

Cet enfer chaotique a également dû libérer un torrent d’ondulations dans le tissu de l’espace-temps. Aussi, avec les bons moyens techniques (que nous n’avons pas encore), nous pourrions tenter de capter des ondes gravitationnelles issues de ce fameux Big Bang.