Pourquoi la matière a triomphé de l’antimatière ? En d’autres termes, pourquoi l’Univers existe-t-il ? Des chercheurs ont annoncé mercredi « la mesure directe la plus précise jamais réalisée sur l’antimatière », des informations qui pourraient aider à comprendre le mystère.
Imaginez le Big Bang, il y a 13,8 milliards d’années, cet instant où nous passons d’un monde originel à un Univers palpable. Au cours de la toute première seconde qui suit le Big Bang, une inflation s’est déjà produite ; la taille de l’Univers a alors augmenté de façon exponentielle, celui-ci ne se composant que d’une bouillie de particules élémentaires de matière et d’antimatière brûlantes (quarks et anti-quarks, électrons et anti-électrons, neutrinos et anti-neutrinos) qui formeront ensuite des protons ou des neutrons. C’est au cours de cette première seconde que la matière prend le « pas » sur l’antimatière.
Les deux ont été produites en même quantité au moment du Big Bang; seulement, et pour une raison que les cosmologistes ignorent encore, les deux ne se sont pas comportées de la même manière. Si les deux matières se rencontrent, elles s’annihilent. Or, la matière a remporté son match contre l’antimatière. Ainsi, au terme de ce processus d’annihilation, au lieu de la disparition de tout ce petit monde, il est demeuré un surplus de matière. C’est pourquoi nous sommes encore ici, 13,8 milliards d’années plus tard. Comment alors est-ce possible ? Si matière et antimatière ont été produites en même quantité, comment se fait-il que la matière ait « pris le pas » sur l’antimatière ?
C’est ce que les scientifiques tentent de comprendre depuis des décennies. Mais l’antimatière est difficile à produire et à piéger, et ces propriétés difficiles à mesurer. L’équipe d’Alpha, du CERN, est néanmoins parvenue à produire des atomes d’anti-hydrogène. Puis en 2016, ils ont observé pour la première fois le comportement d’un atome d’antimatière, l’antihydrogène, sous des rayons ultraviolets. Ils ont depuis étudié la réaction d’environ 15.000 de ces atomes, établissant des mesures spectroscopiques d’une précision encore jamais réalisée sur de l’antimatière. Des données qu’ils ont comparées à celles de l’hydrogène.
Les résultats de cette nouvelle comparaison entre les empreintes spectrales de l’hydrogène et celles de son jumeau miroir sont encore en cours, mais les nouvelles sont frustrantes – elles correspondent à seulement deux parties par billion. S’ils se révélaient être un tout petit peu différents, les physiciens pourraient enfin avoir un moyen d’expliquer pourquoi notre Univers contient plus de matière que d’antimatière.
« Jusqu’à présent, ils se ressemblent« , déclare Jeffrey Hangst de l’expérience Alpha du CERN. Avoir pu mesurer avec une telle précision les propriétés de l’antimatière reste néanmoins une sacrée performance. Autant voir le verre à moitié plein. Nous allons devoir attendre un peu plus longtemps avant de comprendre pourquoi nous existons.
Vous retrouverez tous les détails de cette étude dans la revue Nature.
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