L’amincissement de la couche d’ozone responsable d’une hausse des chutes de neige en Antarctique

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Crédits : Max Pixel

De nouveaux résultats révèlent que l’amincissement de la couche d’ozone au pôle Sud pourrait avoir limité de moitié l’ampleur des pertes de masse de la calotte Antarctique. Un effet attribuable à l’augmentation des précipitations neigeuses estivales suite aux modifications de la chimie stratosphérique. Le mécanisme en jeu faisant intervenir des changements dans la circulation atmosphérique.

La façon dont les précipitations ont fluctué à l’échelle du continent antarctique au cours des dernières décennies et siècles, ainsi que les facteurs responsables de ces fluctuations font encore l’objet de débats au sein de la communauté scientifique. Pourtant, compte tenu de l’importante surface mise en jeu, même de faibles changements peuvent avoir d’importantes conséquences – particulièrement pour la hausse du niveau de la mer. Une nouvelle étude vient éclairer cette question et met en avant le rôle majeur qu’a pu avoir la dégradation de la couche d’ozone depuis la seconde moitié du XXe siècle. Elle a été publiée le 10 décembre dernier dans la revue Geophysical Research Letters.

Des précipitations neigeuses en hausse en été

Les scientifiques ont conclu que la formation saisonnière du trou de la couche d’ozone depuis les années 1970 a provoqué une augmentation significative des précipitations au cours de l’été austral (décembre-janvier-février). Entre 1986 et 2005, elle se chiffrerait à 34 milliards de tonnes par an à l’échelle du continent – avec une marge d’incertitude de ± 4 milliards de tonnes. Sur une base annuelle, la valeur s’échelonne à 38 ± 10 milliards de tonnes – incluant une contribution supplémentairement du mois de novembre notamment. La répartition spatiale des gains (en vert) et des pertes (en marron) annuels sur la période mentionnée est représentée ci-dessous. Les ronds bleus et bruns représentent quant à eux les gains et pertes à l’échelle des différents bassins. Plus ils sont gros, plus l’amplitude du changement est importante.

Crédits : Lenaerts & al. 2018.

On remarque bien que les modulations sont hétérogènes, mais que la tendance générale est à la hausse.

Ces résultats ont été obtenus grâce à deux ensembles de modélisations numériques couvrant la période 1955-2005. L’un avec une couche d’ozone stable, l’autre avec l’évolution historique comprenant l’apparition saisonnière du célèbre « trou » au pôle Sud. Les deux ensembles commencent à diverger notablement vers le milieu des années 1980, ce qui signale l’émergence de l’influence associée à la réduction de la couche d’ozone. C’est pourquoi l’estimation précédente est établie sur l’intervalle 1986-2005, la période antérieure ne montrant pas de changements significatifs.

Sur la base des simulations, le mécanisme principal qui relie l’évolution de la chimie stratosphérique aux précipitations neigeuses en Antarctique fait intervenir la circulation atmosphérique. Le bouleversement le plus notable consiste en un renforcement du gradient méridien de pression induisant une accentuation des vents d’ouest sub-polaires. Cela aboutit à une contraction vers le pôle de la circulation qui stimule l’advection d’humidité vers le continent et, dans certaines régions, le soulèvement orographique.

Un effet tampon sur l’élévation du niveau des mers

Suite au déficit chronique d’ozone stratosphérique, l’accumulation de neige a donc augmenté au cours des dernières décennies. Elle a probablement joué un rôle régulateur pour le bilan de masse de la gigantesque calotte – qui reste toutefois négatif*. Les auteurs suggèrent que sans cette évolution des précipitations, la perte de masse de l’ensemble de l’inlandsis aurait été jusqu’à 2 fois plus importante entre 1992 et 2005, avec des conséquences majeures sur le rythme de la montée du niveau des mers. Précisons cependant qu’est uniquement évoqué ici l’effet impliquant l’ozone stratosphérique. Le réchauffement de l’atmosphère dû à la hausse de la concentration en gaz à effet de serre conduit également à une augmentation de l’accumulation de neige sur le continent, mais avec une emprunte spatio-temporelle différente.

« Le détachement d’icebergs et l’érosion des plate-formes de glace ont suscité beaucoup d’attention, car c’est l’impact le plus visible du changement climatique en Antarctique. Mais le côté « entrée » de l’équation – à savoir les précipitations sous forme de neige – n’a pas été autant étudié », souligne Jan T. M. Lenaerts, auteur principal de l’étude. Étant donné l’importance de cette partie du bilan de masse, la multiplication d’études plus axées sur les gains que sur les pertes devrait probablement s’observer ces prochaines années.

* Les gains ne compensant pas les pertes « dynamiques » (accélération de l’écoulement vers l’océan, etc.) et la fonte basale des glaciers ou plate-formes glaciaires en contact avec l’eau de mer. 

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