La supergéante Bételgeuse est-elle recouverte de gigantesques taches ?

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Crédits : MPIA GRAPHICS DEPT

Les gradations de luminositĂ© de BĂ©telgeuse enregistrĂ©es il y a quelques mois ne sont visiblement pas le signe d’une explosion imminente. Selon une rĂ©cente Ă©tude, elles pourraient ĂŞtre dues Ă  la prĂ©sence de gigantesques taches tapissant la surface de l’Ă©toile.

Une géante en fin de vie

SituĂ©e Ă  650 annĂ©es-lumière de la Terre dans la constellation d’Orion, BĂ©telgeuse est une supergĂ©ante rouge. Pour se faire une idĂ©e de ses proportions, dites-vous que l’Ă©toile est 11 fois plus massive et environ 2 700 fois plus grande que le Soleil. C’est simple : si vous la placiez au centre de notre système solaire, sa surface s’Ă©tendrait jusqu’Ă  l’orbite de Jupiter.

Ceci Ă©tant, qui dit gĂ©ante rouge dit Ă©toile en fin de vie. BĂ©telgeuse pourrait en effet exploser en supernova demain comme dans 100 000 ans. Du point de vue cosmologique, son trĂ©pas est donc imminent. D’oĂą l’intĂ©rĂŞt des chercheurs lorsque, il y a quelques mois, l’Ă©toile a prĂ©sentĂ© des « signes d’instabilité ».

Entre les mois de janvier et mars derniers, des télescopes ont en effet enregistré des baisses soudaines et très importantes de sa luminosité, parfois même jusqu’à 40%.

Pour l’expliquer, plusieurs hypothèses ont Ă©tĂ© avancĂ©es. La première, Ă©videmment, Ă©voque son explosion imminente. NĂ©anmoins, si tel avait Ă©tĂ© le cas, nous aurions observĂ© une baisse constante de l’énergie Ă©mise par l’étoile. Or, il semblerait que BĂ©telgeuse ait depuis le mois de mars retrouvĂ© un peu de sa luminositĂ© perdue.

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BĂ©telgeuse placĂ©e au centre du système solaire. CrĂ©dits : ALMA/E. O’Gorman/P. Kervella – ESO/NAOJ/NRAO

Une expulsion de matière ?

Une seconde hypothèse avance de son cĂ´tĂ© l’idĂ©e que l’étoile, qui Ă©met en permanence de forts vents stellaires, a rĂ©cemment expulsĂ© une grosse bouffĂ©e de matière transformĂ©e ensuite en poussière. Si tel avait Ă©tĂ© le cas, celle-ci aurait alors pu absorber une partie de sa luminositĂ© avant de s’évaporer complètement.

Cette idĂ©e a d’ailleurs fait l’objet d’une Ă©tude rĂ©cente. De manière très gĂ©nĂ©rale, si effectivement BĂ©telgeuse avait expulsĂ© une partie de ses couches externes, comme beaucoup de supergĂ©antes rouges ont tendance Ă  le faire, ce processus aurait entraĂ®nĂ© une lĂ©gère baisse de sa tempĂ©rature de surface.

Or, selon l’Ă©tude, nous savons qu’au 14 fĂ©vrier celle-ci Ă©tait d’environ 3325 degrĂ©s Celsius, soit seulement 50 Ă  100 degrĂ©s Celsius plus fraĂ®che que la tempĂ©rature habituelle de l’étoile. Autrement dit, sur le papier, cette hypothèse tenait visiblement la route. Mais une autre explication est-elle possible ?

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Sur cette image “avant et après”, la luminositĂ© de l’étoile paraĂ®t uniforme en janvier 2019. En revanche, elle semble s’estomper dans l’hĂ©misphère sud au mois de dĂ©cembre suivant. CrĂ©dits : ESO

L’hypothèse des taches solaires

Dans un récent article publié dans The Astrophysical Journal Letters, une équipe de chercheurs dirigée par Thavisha Dharmawardena, du Max Planck Institute for Astronomy, relie ces baisses de luminosité spectaculaires non pas à une bouffée de matière expulsée, mais à la présence de gigantesques taches développées dans sa photosphère.

Pour appuyer leur idĂ©e, les chercheurs expliquent avoir utilisĂ© des donnĂ©es anciennes et nouvelles recueillies par l’Atacama Pathfinder Experiment (APEX) et le tĂ©lescope James Clerk Maxwell (JCMT), deux instruments sensibles aux ondes sub-millimĂ©triques.

Ils ont alors Ă©tĂ© surpris de constater que BĂ©telgeuse Ă©tait devenue 20% plus sombre mĂŞme dans cette gamme de longueur d’ondes. Un comportement, expliquent-ils, qui n’est pas compatible avec la prĂ©sence de poussière.

Nous savons que la luminositĂ© d’une Ă©toile dĂ©pend de son diamètre et de sa tempĂ©rature de surface. Ainsi, l’assombrissement observĂ© Ă  la fois dans la lumière visible et dans les longueurs d’ondes millimĂ©triques suggère que l’Ă©toile a essuyĂ© une rĂ©duction de sa tempĂ©rature de sa surface.

Si l’idĂ©e concorde avec les observations de l’Ă©tude prĂ©cĂ©dente, les chercheurs Ă©voquent cependant ici une « distribution de tempĂ©rature asymĂ©trique ».

Combinant toutes ces donnĂ©es (assombrissement dans les longueurs d’ondes sub-millimĂ©triques + distribution de tempĂ©rature asymĂ©trique), les scientifiques Ă©voquent ainsi la prĂ©sence de ces Ă©normes taches. Celle-ci pourraient couvrir 50% Ă  70% de la surface visible de l’Ă©toile, Ă  des tempĂ©ratures plus basses que la photosphère très lumineuse.

La prĂ©sence de ces taches stellaires doit en revanche encore ĂŞtre confirmĂ©e. Mais s’il s’avère qu’elles sont bel et bien prĂ©sentes, elles reprĂ©senteraient alors une classe entièrement nouvelle de phĂ©nomène stellaire. Les recherches futures devront ensuite en dĂ©terminer les causes potentielles et identifier leurs diffĂ©rents cycles.