La limite entre le Gulf Stream et le courant du Labrador remonte vers le nord

Gulf Stream
Crédits : NASA.

Selon une récente étude, les changements océaniques particulièrement rapides observés au large de Terre-Neuve sont consécutifs à une migration vers le nord du Gulf Stream. Les résultats paraissent ce 20 avril dans la revue Communications Earth & Environment. 

C’est à proximité des Grands Bancs de Terre-Neuve que, dans la nuit du 14 au 15 avril 1912, un iceberg coula le tristement célèbre Titanic. Or, cette région océanique fait aujourd’hui partie de celles qui subissent les évolutions climatiques les plus rapides. En effet, depuis une dizaine d’année, la fréquence et l’intensité des vagues de chaleur marines se sont brutalement accrues. Par ailleurs, le niveau de la mer connaît un rythme d’élévation considérable relativement à la moyenne mondiale. Un phénomène que de récents travaux associent à une remontée vers le nord du Gulf Stream.

Gulf stream Labrador
Représentation schématique du système de courants du Gulf Stream (flèches rouges) et du Labrador (flèches bleues). Aussi, les variations de température de la colonne d’eau entre 2001-2007 et 2019-2018 sont indiquées en plages de couleurs. Crédits : Afonso Gonçalves Neto & al. 2021.

Une dérive des eaux subtropicales vers le nord

« Nous avons utilisé des données satellitaires pour montrer que lorsque le Gulf Stream migre plus près du plateau sous-marin des Grands Bancs de Terre-Neuve, il bloque le transport vers le sud-ouest associé au courant du Labrador qui, autrement, fournirait une eau froide peu salée et riche en oxygène jusqu’au plateau nord-américain » explique Gonçalves Neto, auteur principal du papier. Ajoutons à cela que la migration évoquée s’est produite de façon assez brutale en 2008 et ne s’est pas inversée depuis lors.

Ainsi, un plus grand apport d’eau chaude et salée suite aux changements régionaux de courants océaniques permet de rendre compte des évolutions. Comme la dilatation thermique de l’océan est liée à sa température, la réaction du niveau de la mer fait sens. D’autre part, la moindre solubilité des gaz dans une eau réchauffée explique la baisse de l’oxygène dissous également constatée.

Gulf Stream
Anomalies de température dans la zone d’étude entre 1930 et 2018. La reconstruction complète recoupe des données satellitaires et in situ issues de la Patrouille internationale des glaces. Crédits : Afonso Gonçalves Neto & al. 2021.

Bien évidemment, ces variations rapides ont des impacts forts sur l’écologie marine de la région et les secteurs économiques qui en dépendent. Celui de la pêche a par exemple été très affecté par les changements résultants dans les aires de répartition des espèces. En outre, l’est des Etats-Unis et du Canada se voient presque mécaniquement soumis à un risque accru de phénomènes de submersion marine et de chaleur humide.

La migration du Gulf Stream continue d’interroger

Toutefois, les causes du déplacement brutal du Gulf Stream en 2008 ne sont pas encore connues. Il pourrait s’agir d’un phénomène lié au réchauffement global de la planète ou tout simplement d’une variation naturelle de la circulation océanique nord-atlantique. À cet égard, les données récoltées montrent qu’un phénomène analogue, mais de moindre intensité, s’est produit à la fin des années 1960. Un élément qui semblerait plutôt privilégier la seconde hypothèse. D’un autre côté, les modèles montrent que le ralentissement de l’AMOC dû au changement climatique provoquerait une signature océanique analogue à celle observée. Pour l’heure, la question reste donc ouverte. Affaire à suivre !

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