Pour la premiĂšre fois, une Ă©quipe de chercheurs a pu dĂ©terminer la maniĂšre dont les forĂȘts influencent la couverture nuageuse Ă l’Ă©chelle mondiale. Les rĂ©sultats ont Ă©tĂ© publiĂ©s dans la revue scientifique Nature Communications ce 3 fĂ©vrier.
RĂ©cemment, une Ă©tude soulignait la capacitĂ© des forĂȘts borĂ©ales Ă moduler la rĂ©flectivitĂ© des nuages bas. Le papier notait plus particuliĂšrement qu’en augmentant leur Ă©clat, ces forĂȘts participaient Ă rĂ©guler la quantitĂ© d’Ă©nergie solaire renvoyĂ©e vers lâespace et dĂ©terminaient en partie le climat rĂ©gional.
Une perspective Ă©tendue Ă lâĂ©chelon mondial
De nouveaux travaux Ă©tendent dĂ©sormais l’analyse Ă lâensemble des forĂȘts du monde. En passant au peigne fin dix-sept ans dâobservations satellitaires Ă haute rĂ©solution dans l’hĂ©misphĂšre d’Ă©tĂ©, les scientifiques ont trouvĂ© que les forĂȘts de moyennes et hautes latitudes avaient effectivement tendance Ă augmenter la couverture nuageuse, mais qu’il en allait bien diffĂ©remment en ce qui concerne celles de la zone tropicale.

En effet, les donnĂ©es ont rĂ©vĂ©lĂ© une inhibition nuageuse au-dessus de lâAmazonie, de lâAfrique centrale et du sud-est des Ătats-Unis. De fait, en supprimant le couvert vĂ©gĂ©tal, les pratiques de dĂ©forestation ont eu comme corollaire une augmentation des nuages de 0,78 %, 1,2 % et 0,1 % entre 2002 et 2018, respectivement. « C’est surprenant, car cela contredit l’idĂ©e persistante selon laquelle les forĂȘts tropicales crĂ©ent leurs propres nuages ââet mĂȘme leurs propres prĂ©cipitations », relate Ryan Teuling, chercheur et contributeur Ă la prĂ©sente Ă©tude.
Ă lâinverse, en SibĂ©rie orientale, l’altĂ©ration du couvert forestier consĂ©cutive Ă des incendies de plus en plus frĂ©quents sâest accompagnĂ©e dâune diminution de la nĂ©bulositĂ© de 0,2 %. Ainsi, les mesures satellitaires illustrent clairement le rĂŽle ambivalent des forĂȘts vis Ă vis de la couverture nuageuse, avec un contraste qui se dessine essentiellement selon la latitude.

Comment expliquer lâambivalence du lien entre forĂȘts et couverture nuageuse ?
Aux basses latitudes, lâair se rĂ©chauffe plus rapidement au-dessus des surfaces peu boisĂ©es, car les massifs forestiers sont trop humides. Lâessentiel de lâĂ©nergie sert en effet Ă Ă©vaporer lâeau (chaleur latente) et non pas Ă faire monter la tempĂ©rature (chaleur sensible). En raison du contraste thermique entre les deux types de substrats, les masses dâair sâĂ©lĂšvent et forment donc plus facilement des nuages en marge des forĂȘts.
Au contraire, aux moyennes et hautes latitudes, la part dâĂ©nergie solaire convertie en chaleur sensible au-dessus des forĂȘts est plus importante et le contraste avec les zones non boisĂ©es tend Ă s’inverser. AjoutĂ©es Ă un surplus d’humiditĂ©, elles reprĂ©sentent par consĂ©quent des zones prĂ©fĂ©rentielles pour la formation des nuages. En somme, ce qui dĂ©termine si une forĂȘt va favoriser ou inhiber les formations nuageuses d’Ă©tĂ© est lâintensitĂ© du flux de chaleur sensible plutĂŽt que le flux de vapeur d’eau comme on pourrait le penser de prime abord.
« L’augmentation des nuages est plus susceptible de se produire au-dessus des forĂȘts avec une chaleur sensible Ă©levĂ©e et la diminution des nuages, au-dessus des forĂȘts avec une chaleur sensible plus basse », rapporte Ă ce titre lâĂ©tude dans son rĂ©sumĂ©.