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L’influence ambivalente des forĂȘts sur la couverture nuageuse

nuages forĂȘt
Crédits : CC0 Public Domain.

Pour la premiĂšre fois, une Ă©quipe de chercheurs a pu dĂ©terminer la maniĂšre dont les forĂȘts influencent la couverture nuageuse Ă  l’Ă©chelle mondiale. Les rĂ©sultats ont Ă©tĂ© publiĂ©s dans la revue scientifique Nature Communications ce 3 fĂ©vrier.

RĂ©cemment, une Ă©tude soulignait la capacitĂ© des forĂȘts borĂ©ales Ă  moduler la rĂ©flectivitĂ© des nuages bas. Le papier notait plus particuliĂšrement qu’en augmentant leur Ă©clat, ces forĂȘts participaient Ă  rĂ©guler la quantitĂ© d’Ă©nergie solaire renvoyĂ©e vers l’espace et dĂ©terminaient en partie le climat rĂ©gional.

Une perspective Ă©tendue Ă  l’échelon mondial

De nouveaux travaux Ă©tendent dĂ©sormais l’analyse Ă  l’ensemble des forĂȘts du monde. En passant au peigne fin dix-sept ans d’observations satellitaires Ă  haute rĂ©solution dans l’hĂ©misphĂšre d’Ă©tĂ©, les scientifiques ont trouvĂ© que les forĂȘts de moyennes et hautes latitudes avaient effectivement tendance Ă  augmenter la couverture nuageuse, mais qu’il en allait bien diffĂ©remment en ce qui concerne celles de la zone tropicale.

Processus conduisant Ă  l’augmentation des nuages au-dessus des forĂȘts de moyennes et hautes latitudes. Les flux de chaleur latente et sensible apparaissent respectivement en bleu et en rouge. CrĂ©dits : Ru Xu & coll. 2022.

En effet, les donnĂ©es ont rĂ©vĂ©lĂ© une inhibition nuageuse au-dessus de l’Amazonie, de l’Afrique centrale et du sud-est des États-Unis. De fait, en supprimant le couvert vĂ©gĂ©tal, les pratiques de dĂ©forestation ont eu comme corollaire une augmentation des nuages de 0,78 %, 1,2 % et 0,1 % entre 2002 et 2018, respectivement. « C’est surprenant, car cela contredit l’idĂ©e persistante selon laquelle les forĂȘts tropicales crĂ©ent leurs propres nuages ​​et mĂȘme leurs propres prĂ©cipitations », relate Ryan Teuling, chercheur et contributeur Ă  la prĂ©sente Ă©tude.

À l’inverse, en SibĂ©rie orientale, l’altĂ©ration du couvert forestier consĂ©cutive Ă  des incendies de plus en plus frĂ©quents s’est accompagnĂ©e d’une diminution de la nĂ©bulositĂ© de 0,2 %. Ainsi, les mesures satellitaires illustrent clairement le rĂŽle ambivalent des forĂȘts vis Ă  vis de la couverture nuageuse, avec un contraste qui se dessine essentiellement selon la latitude.

couverture nuageuse
Processus conduisant Ă  l’inhibition des nuages au-dessus des forĂȘts de basses latitudes. Les flux de chaleur latente et sensible apparaissent respectivement en bleu et en rouge. CrĂ©dits : Ru Xu & coll. 2022.

Comment expliquer l’ambivalence du lien entre forĂȘts et couverture nuageuse ?

Aux basses latitudes, l’air se rĂ©chauffe plus rapidement au-dessus des surfaces peu boisĂ©es, car les massifs forestiers sont trop humides. L’essentiel de l’énergie sert en effet Ă  Ă©vaporer l’eau (chaleur latente) et non pas Ă  faire monter la tempĂ©rature (chaleur sensible). En raison du contraste thermique entre les deux types de substrats, les masses d’air s’élĂšvent et forment donc plus facilement des nuages en marge des forĂȘts.

Au contraire, aux moyennes et hautes latitudes, la part d’énergie solaire convertie en chaleur sensible au-dessus des forĂȘts est plus importante et le contraste avec les zones non boisĂ©es tend Ă  s’inverser. AjoutĂ©es Ă  un surplus d’humiditĂ©, elles reprĂ©sentent par consĂ©quent des zones prĂ©fĂ©rentielles pour la formation des nuages. En somme, ce qui dĂ©termine si une forĂȘt va favoriser ou inhiber les formations nuageuses d’Ă©tĂ© est l’intensitĂ© du flux de chaleur sensible plutĂŽt que le flux de vapeur d’eau comme on pourrait le penser de prime abord.

« L’augmentation des nuages est plus susceptible de se produire au-dessus des forĂȘts avec une chaleur sensible Ă©levĂ©e et la diminution des nuages, au-dessus des forĂȘts avec une chaleur sensible plus basse », rapporte Ă  ce titre l’étude dans son rĂ©sumĂ©.