Ils canalisent la foudre grâce à un faisceau laser

Crédits : Aurélien Houard & coll. 2023.

Pour la première fois, une équipe de chercheurs a réussi à canaliser la foudre grâce à un faisceau laser. Des appareils plus perfectionnés permettraient même de guider les décharges depuis la base des nuages afin d’éviter qu’elles ne s’abattent sur des sites ou des systèmes critiques. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Photonics.

Canaliser voire maîtriser la foudre est un rêve de longue date. À cet égard, une étape importante a récemment été franchie puisque des scientifiques ont réussi à guider une décharge grandeur nature grâce à un faisceau laser pointé vers le ciel. On parle aussi de paratonnerre laser (LLR ou Laser Lightning Rod en anglais). Cette expérience inédite s’est déroulée au cours de l’été 2021, à 2500 mètres d’altitude au Säntis, un sommet situé dans le massif de l’Alpstein, au nord-est de la Suisse.

L’emplacement de l’appareil a été soigneusement choisi. En effet, la foudre tombe de façon aléatoire. Le laser a donc été installé à proximité de l’antenne d’une tour de télécommunication régulièrement frappée. En présence d’orages, l’appareil envoyait une série d’impulsions lumineuses courtes et intenses vers la base des nuages. L’objectif ? Évaluer la façon dont les décharges étaient influencées.

« Le but était de voir s’il y avait une différence avec ou sans le laser. Des tiges métalliques sont utilisées presque partout pour se protéger de la foudre, mais la zone qu’elles peuvent protéger est limitée à quelques mètres ou dizaines de mètres », rapporte Aurélien Houard, auteur principal de l’étude, à The Guardian. « L’espoir est d’étendre cette protection à quelques centaines de mètres si nous avons suffisamment d’énergie dans le laser ».

Configuration du site. Crédits : Aurélien Houard & coll. 2023.

Première démonstration expérimentale d’un guidage laser de la foudre

Les résultats se sont montrés à la hauteur des attentes. Non seulement le faisceau laser était capable de modifier le parcours suivi par les décharges, mais il pouvait aussi les canaliser vers l’antenne de télécommunication et son paratonnerre, ce qui a étendu la protection de 120 mètres à 180 mètres autour du site. Lors d’une séquence conduite le 24 juillet 2021 en conditions de bonne visibilité, les caméras à grande vitesse ont permis de voir que le canal de foudre avait suivi le laser sur une hauteur de plus de cinquante mètres.

Et pour cause, en ionisant l’air autour du faisceau qu’il projette, le puissant laser ouvre un chemin de moindre résistance pour la foudre qui sera donc emprunté de façon préférentielle par l’électricité. Il s’agit en quelque sorte d’une version très sophistiquée de l’expérience du cerf-volant de Benjamin Franklin. En substance, le laser étend sensiblement la protection offerte par un paratonnerre classique, dont on rappelle que le rayon de protection est fonction de la hauteur de la tige.

« Bien que ce domaine de recherche soit très actif depuis plus de vingt ans, il s’agit du premier résultat de terrain qui démontre expérimentalement un cas de foudre guidée par des lasers », rapporte l’étude dans son résumé.

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Captures vidéo prises par les caméras à grande vitesse situées à quelques kilomètres. La partie de l’éclair qui se propage au niveau du faisceau laser est issue d’un précurseur ascendant négatif : cette partie de l’éclair s’est donc développée depuis l’antenne et s’est propagée vers le haut sur une cinquantaine de mètres. Crédits : Aurélien Houard & coll. 2023.

Si l’appareil utilisé est en mesure d’influencer la foudre jusqu’à une hauteur de plusieurs dizaines de mètres, les chercheurs indiquent que des lasers agissant dans d’autres gammes de longueurs d’onde pourraient guider les décharges sur une hauteur bien plus élevée, et pourquoi pas déclencher la foudre avant même qu’elle ne frappe, assurant ainsi un certain contrôle sur des sites critiques tels que les aéroports ou les infrastructures énergétiques. Il s’agirait là d’une véritable révolution, même si des questions se posent quant à l’impact de ces faisceaux sur le trafic aérien.

Par ailleurs, « le coût du système laser est très élevé par rapport à celui d’un simple paratonnerre », souligne Manu Haddad, coauteur de l’étude.  « Cependant, les lasers pourraient être un moyen plus fiable de guider les décharges de foudre, et cela peut être crucial pour la protection des installations et des équipements critiques situés en surface ».