Si le cancer de la prostate, suivi des cancers du poumon et colorectal chez l’homme et le cancer du sein, suivi du cancer du côlon et du cancer poumon chez la femme sont les plus mortels en France, le cancer de la peau n’est pas en reste. Le mélanome emporte en effet près de 15 000 vies chaque année dans l’hexagone. Les diagnostics pour ce type de cancer connaissent par ailleurs une hausse fulgurante. Comment expliquer ce phénomène et faut-il s’en inquiéter ? Nous faisons le point sur ces chiffres étonnants.
Cancer de la peau : des chiffres en hausse, mais pourquoi ?
Parler d’une augmentation des diagnostics de mélanomes entre 1990 et 2018 est un euphémisme. En effet, le nombre a été multiplié par cinq chez les hommes (+371 %) et par trois du côté des femmes (+189 %) en l’espace de trente ans. Toutefois, selon un article de synthèse publié tout récemment dans la revue BMJ Evidence-Based Medicine, cette hausse ne serait en réalité pas liée à des risques environnementaux particuliers, ni même un dépistage plus poussé, d’autant que le taux de mortalité reste quant à lui plutôt stable.
Si une épidémie de cancers de la peau n’est donc pas à craindre, de tels chiffres laissent donc plutôt présager un problème de surdiagnostic de la part des dermatologues. Rappelons en effet qu’il est d’usage d’effectuer une biopsie lorsque des grains de beauté changent d’aspect. Néanmoins, comme le relèvent les chercheurs, les dermatologues ne prélevaient auparavant que des excroissances de la taille d’une pièce de dix centimes minimum. Néanmoins, par précaution, nombreux sont ceux qui prélèvent à présent aussi ceux qui ne mesurent qu’un cinquième de cette taille.

Or, d’après les scientifiques, beaucoup de patients se retrouvent finalement avec un diagnostic inutile de mélanome. Pour Adewole Anderson, dermatologue à l’école de médecine Dell affiliée à l’université du Texas (États-Unis) : « Beaucoup de personnes ne saisissent pas à quel point il y a un surdiagnostic du mélanome. C’est assez inquiétant. On détecte des tumeurs totalement bénignes. » En se concentrant sur des Américains à la peau blanche, plus enclins à développer cette maladie, les chercheurs ont pu conclure que le surdiagnostic concernait 65 % des femmes et 50 % des hommes. La grande majorité des cas étudiés concernaient par ailleurs des grains de beauté fins sur la couche supérieure de la peau et en réalité associés à des cancers de stade 0, et donc à très faible risque.
L’étude explique cela par la complexité que représente la distinction entre les excroissances cutanées bénignes et malignes, laissée finalement à l’appréciation du dermatologue, puis du pathologiste qui étudie la biopsie en laboratoire. Or, de plus en plus de patients se font dépister et peuvent alors tomber dans cette zone grise.
Des cancers qui n’en sont pas : le problème du surdiagnostic
Cet excès de précaution peut sembler louable et compréhensible. Le mélanome est en effet la forme de cancer de la peau la plus dangereuse, car elle peut se propager dans tout le corps et peut, à un stade avancé ainsi que dans un faible pourcentage de cas, se révéler mortelle. Malgré cela, l’article soulève tout de même quelques limites.

Tout d’abord, aucun essai clinique ne documente l’efficacité réelle du dépistage précoce pour ce cancer. Par ailleurs, si le pathologiste qui étudie le prélèvement cutané identifie des cellules qui paraissent cancéreuses, le patient devra retourner chez son praticien pour se faire retirer la tumeur et la zone environnante, un acte invasif qui laisse une grosse cicatrice. Pourtant, comme l’explique Earl Glusac, un chercheur spécialisé en dermatologie au Yale Cancer Center déjà inquiet par la question du surdiagnostic depuis plus de dix ans, tous les systèmes organiques, peau incluse, peuvent présenter des caractéristiques pouvant faire penser à un cancer… sans en être un.
Or, outre la cicatrice, les surdiagnostics seraient plus préjudiciables et coûteux qu’il n’y paraîtrait. En plus de donner lieu à des traitements inutiles et onéreux qui peuvent en plus laisser des séquelles, ils peuvent avoir une incidence profonde sur la vie des patients. En plus de risquer de se voir refuser un contrat d’assurance-vie, beaucoup d’entre eux vivent avec la peur de s’exposer au soleil, de mourir, de prendre l’avion, de se marier ou même d’avoir des enfants. Comme le rapporte Adewole Anderson : « Nous faisons du mal à un nombre important de personnes. »
Quelques habitudes pour se protéger contre le mélanome
Bien que le surdiagnostic soit un problème réel dans le domaine de la dermatologie, il ne doit pas occulter l’importance de la prévention. Les professionnels de santé s’accordent ainsi tous sur l’importance d’examiner régulièrement sa peau pour identifier des changements dans ses grains de beauté. Il ne faut surtout pas hésiter à consulter s’ils présentent un changement de taille, de forme, de couleur ou encore des bords irréguliers, pouvant parfois s’accompagner de démangeaisons ou encore de saignements inhabituels pour lever tout doute et permettre un suivi.

La protection contre le cancer de la peau reste en outre essentielle pour maintenir une santé cutanée optimale. Commencez par appliquer régulièrement un écran solaire avec un SPF adéquat (au moins SPF 30) même par temps nuageux, car les rayons UV nocifs peuvent tout de même vous atteindre. Limitez aussi votre exposition au soleil, surtout pendant les heures les plus intenses de la journée (entre 11 et 16 h). Portez également des vêtements protecteurs, tels que des chapeaux à larges bords et des vêtements à manches longues et prélassez-vous dans des zones ombragées et utilisez des parasols si nécessaire. Enfin, évitez les cabines de bronzage qui augmentent le risque de cancer de la peau.
