Premiers embryons de souris synthétiques créés sans spermatozoïdes, ovules ou utérus

embryons souris
Crédits : Institut des sciences Weizmann

Pour la première fois, des chercheurs ont créé des embryons de souris sans utiliser d’ovule ni de sperme et les ont observés se développer en dehors de l’utérus. Pour réaliser cette percée, l’équipe n’a utilisé que des cellules souches et un dispositif de rotation permettant de simuler la circulation du sang et des nutriments vers le placenta. Il s’agit d’un jalon important dans notre compréhension de la façon dont les embryons se développent.

Depuis les années 1980, les biologistes du développement cherchent à comprendre comment les cellules finissent par devenir des tissus spécialisés. Au cours de la dernière décennie, les scientifiques en ont suffisamment appris sur les signaux orientant les cellules souches dans ces voies de différenciation pour pouvoir les reconstituer en des éléments ressemblant à des organes (organoïdes), des œufs récemment fécondés (blastoïdes) et même des embryons ( embryoïdes).

Cependant, jusqu’à présent, toutes ces structures ne pouvaient être cultivées que pendant une courte période de temps. Pour durer, elles avaient besoin d’un utérus permettant de soutenir leur développement ultérieur ou, mieux encore, d’une approximation artificielle de celui-ci.

Utérus mécanique

Jacob Hanna, biologiste des cellules souches embryonnaires à l’Institut Weizmann des sciences, en Israël, a passé sept années à concevoir un système tubulaire de flacons en verre rotatif logés dans un incubateur pour tenter d’imiter le fonctionnement d’un utérus autant que faire se peut dans le but d’analyser le développement d’embryons de souris.

Dans l’appareil, les embryons flottent dans de petits béchers de solution remplie de nutriments enfermés dans un cylindre rotatif qui les maintient en mouvement constant. Ce mouvement simule la circulation du sang et des nutriments vers le placenta. L’appareil reproduit également la pression atmosphérique d’un utérus de souris.

Dans une précédente expérience, décrite l’année dernière dans la revue Nature, son équipe avait réussi à cultiver des embryons naturels de souris dans un bioréacteur spécialement conçu pour servir d’utérus artificiel pour le développement des embryons. Ces derniers n’avait atteint le onzième jour de leur développement à l’intérieur de l’appareil, mais cette étude avait prouvé que des embryons de mammifères pouvaient effectivement se développer en dehors de l’utérus.

Après leur succès initial avec des embryons naturels, les chercheurs ont voulu s’essayer à la culture d’embryons fabriqués en laboratoire dans leur utérus mécanique.

Première culture d’embryons artificiels ex-utéro

Pour ce travail, décrit dans la revue Cell, les chercheurs ont appliqué un traitement chimique aux cellules souches de souris de manière à les « réinitialiser » dans un état primaire à partir duquel elles pourraient se transformer en n’importe quel type de cellule.

Dans une fraction de ces cellules, l’équipe a appliqué des traitements supplémentaires pour activer les gènes nécessaires à la fabrication du placenta. Dans un troisième groupe, les chercheurs ont appliqué des traitements pour activer les gènes nécessaires à la fabrication du sac vitellin. « Nous avons donné à ces deux groupes de cellules une impulsion transitoire pour donner naissance à des tissus extraembryonnaires qui soutiennent l’embryon en développement« , résume ainsi Jacob Hanna dans un communiqué.

Les scientifiques ont ensuite placé ces trois groupes de cellules souches dans leur utérus artificiel, à l’intérieur duquel ils se sont mêlés entre eux. Très vite, les cellules se sont réunies pour former plus de 10 000 amas. Seuls environ cinquante d’entre eux ont cependant continué à se développer en structures ressemblant à des embryons pendant 8,5 jours.

Au cours de ces 8,5 jours (environ la moitié d’une grossesse de souris), les embryons sphériques se sont étirés et sont devenus cylindriques comme on pouvait s’y attendre des embryons naturels. Les prémices du système nerveux central ont commencé à émerger au jour 6 et ont rapidement donné naissance à un petit cerveau ridé. Deux jours plus tard, les embryons avaient également développé des voies intestinales et de petits cœurs battants.

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Développement de modèles d’embryons synthétiques du jour 1 (en haut à gauche) au jour 8 (en bas à droite). Crédits : Institut Weizmann

Quelles promesses pour l’avenir ?

Dans des expériences de suivi, les chercheurs prévoient d’étudier les signaux chimiques poussant les cellules embryonnaires à devenir un type de tissu plutôt qu’un autre. Qu’est-ce qui pousse certaines cellules souches à se rassembler pour former le tube neural tandis que d’autres finissent par se différencier en cellules chargées de tapisser les intestins ?

« Notre prochain défi est de comprendre comment les cellules souches savent quoi faire, comment elles s’autoassemblent en organes et trouvent leur chemin vers leurs emplacements assignés à l’intérieur d’un embryon« , résume le chercheur.

Ces futurs travaux pourraient aider les chercheurs à comprendre comment certaines mutations entraînent diverses maladies du développement. En plus de servir de modèle de recherche, l’utérus artificiel pourrait également servir un jour d’incubateur pour les cellules, les tissus et les organes cultivés pour les procédures de transplantation.

Enfin, ces travaux soulèvent également de profondes questions quant à savoir si d’autres animaux, y compris les humains, pourraient un jour être cultivés à partir de cellules souches en laboratoire.