El Niño pourrait faire son grand retour, quelles seront les conséquences ?

El nino
Crédits : capture vidéo / Vimeo.

Tandis que l’épisode La Niña qui a débuté en 2020 touche à sa fin, le retour à des conditions El Niño d’ici l’hiver prochain, avec un pic d’intensité courant 2024, est de plus en plus probable. À quoi peut-on s’attendre si ces prévisions venaient à être confirmées ?

Depuis trois ans maintenant, l’océan Pacifique est marqué par des conditions La Niña. Il s’agit d’un des rares épisodes à avoir persisté trois années consécutives depuis le début des mesures fiables en 1950. Selon les dernières prévisions, le Pacifique équatorial devrait retrouver un état proche de la normale entre mars et mai, autrement dit une configuration neutre, avec une probabilité significative d’un retour d’El Niño entre l’automne et l’hiver prochain.

On rappelle qu’El Niño et La Niña se caractérisent respectivement par des eaux anormalement chaudes et anormalement froides sur la partie équatoriale du Pacifique, avec un transfert massif de chaleur depuis l’océan vers l’atmosphère (El Niño) ou depuis l’atmosphère vers l’océan (La Niña). Les figures ci-dessous représentent l’état de la circulation atmosphérique pour chaque situation.

El Niño La NIña
Températures de surface des océans (couleurs), profondeur de la thermocline (surface bleue) et circulation atmosphérique en conditions neutre (haut), El Niño (milieu) et La Niña (bas). Crédits : NOAA / Royal Meteorological Society.

Vers un nouveau saut de la température mondiale au prochain El Niño

En termes de température planétaire, on peut s’attendre à une nouvelle flambée après les dernières années tempérées par la présence durable de La Niña. Pour l’heure, l’année la plus chaude jamais enregistrée en moyenne mondiale reste 2016, un extrême chaud survenu lors du précédent épisode El Niño. Si le Pacifique équatorial bascule effectivement dans un mode chaud d’ici à la fin de l’année, on pourrait donc s’attendre à ce que 2024 vienne détrôner 2016.

« Comme la planète s’est déjà réchauffée d’environ 1,2 °C par rapport à l’ère préindustrielle et qu’El Niño ajoute un peu de chaleur supplémentaire à l’atmosphère, il est possible que la température de la Terre dépasse temporairement le seuil de 1,5 °C fixé par l’accord de Paris peu après le pic d’El Niño en 2024, bien qu’il soit trop tôt pour connaitre l’intensité de ce prochain événement », rapporte à cet égard la chercheuse Paloma Trascasa-Castro à The Conversation.

Évolution de la température moyenne du globe selon six jeux de données. L’anomalie est donnée par rapport à la période préindustrielle. Crédits : WMO / OMM.

Un bouleversement des régimes de temps

Mais le retour de conditions anormalement chaudes dans le Pacifique va bien au-delà de ce seul effet sur la moyenne planétaire. En effet, lors d’un évènement El Niño, les grands centres d’actions météorologiques que sont les dépressions et les anticyclones se réorganisent selon un schéma type, avec des implications fortes sur l’hydrologie régionale et, par voie de conséquence, sur l’agriculture et les maladies tropicales comme la dengue ou le paludisme.

Par exemple, l’Amazonie, l’Asie du Sud, l’Australie ou l’Indonésie sont exposées aux sécheresses et aux incendies. À l’inverse, les pluies se déversent en grandes quantités entre l’Afrique de l’Est, le sud de l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud, en particulier au Pérou et en Équateur, avec des inondations récurrentes. C’est d’ailleurs en raison d’une redistribution des pluies en défaveur des grandes forêts tropicales que les années El Niño sont associées à des pics en termes d’augmentation de la teneur de l’atmosphère en dioxyde de carbone.

Enfin, on peut noter que le phénomène a également des impacts en dehors des tropiques. Ainsi, il existe des liens statistiques entre l’état du Pacifique équatorial et la propension des masses d’air froid à s’écouler vers les basses latitudes, en particulier en Europe du Nord. Toutefois, ces impacts sont plus ténus et intermittents que ceux observés sur la température mondiale ou sur les régimes de temps de la ceinture tropicale. Il reste que la probabilité d’un temps froid serait accrue l’hiver prochain, au moins sur la partie septentrionale du Vieux Continent.