Le ‘triplet’ La Niña interroge sur l’évolution future du phénomène

Nina
Crédits : NASA.

Alors que la probabilité de connaître une troisième année consécutive marquée par La Niña se précise, la question de l’évolution du phénomène dans un contexte de changement climatique continue de faire débat dans la communauté scientifique comme en témoigne un billet paru dans la revue Nature ce 23 juin.

Dans un article récent, nous soulignions que l’épisode La Niña en place depuis septembre 2020 avait une probabilité de 50 % à 60 % de persister au-delà du mois d’août 2022. Aussi, il est vraisemblable que nous connaissions une troisième année successive marquée par ce phénomène, ce qui ne s’est produit que deux fois depuis le début des enregistrements en 1950.

La survenue d’un triplet La Niña est un évènement rare et la probabilité est désormais grande d’en observer un en 2020-2023. Si cet épisode ne sort pas de la variabilité naturelle du climat, de récents travaux ont toutefois suggéré que des épisodes La Niña plus intenses et durables pourraient être une marque du changement climatique et en particulier du ralentissement de la circulation thermohaline dans l’Atlantique Nord.

Une incertitude de taille sur le futur du tandem El Niño / La Niña

Il est important de comprendre comment le changement climatique peut influer sur La Niña et son alter ego El Niño, car ensemble, ils modulent de manière forte les régimes de pluies dans la ceinture tropicale et au-delà. « Le Pacifique tropical est immense. Si vous en déplacez les précipitations, cela a un effet ricochet sur le reste du monde », souligne Michelle L’Heureux, chercheuse à la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA).

vents pacifique La Niña
Représentation schématique de la circulation tropicale lors de conditions proches de la moyenne climatique. La Niña se concrétise par une accentuation de ce schéma et des contrastes qui l’accompagnent.  Crédits : NOAA.

Par exemple, en conditions La Niña, le sud-est de l’Asie, l’Indonésie et l’est de l’Australie sont soumis à des précipitations abondantes alors que le Chili, le Pérou, la Corne de l’Afrique ou encore l’ouest de l’Amérique du Nord sont en proie à des sécheresses parfois dévastatrices. Par ailleurs, la distribution des ouragans et des moussons s’en trouve affectée. On observe par exemple une plus grande activité cyclonique dans l’Atlantique Nord.

Si les observations des dernières décennies montrent une évolution vers un régime moyen de type La Niña, les modèles climatiques anticipent quant à eux une évolution de long terme vers un régime El Niño. Ce désaccord entre évolutions observée et modélisée pourrait trouver son origine dans le ralentissement de la circulation thermohaline de l’Atlantique Nord. En effet, les conséquences qui en résulteraient, comme un renforcement des alizés dans le Pacifique équatorial propice à La Niña, sont encore mal intégrées par la plupart des modèles de climat.

Or, depuis les années 1990, cette circulation connaît un ralentissement dont on pense qu’il est inédit depuis au moins un millénaire. Les modèles manquent donc peut-être un élément fondamental. « Nous devons mieux comprendre ce qu’il se passe », rapporte Michelle L’Heureux. « Pour l’instant, la question de savoir si, comment et pourquoi l’oscillation australe pourrait changer reste un mystère très intéressant ».