Introduits sur une île, des diables de Tasmanie anéantissent une colonie de manchots

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Un diable de Tasmanie. Crédits : PixbayBlade/pixabay

Un programme de conservation proposé sur l’île Maria pour sauver les diables de Tasmanie de l’extinction a eu des effets néfastes sur d’autres espèces emblématiques de l’île. Ces résultats avaient pourtant été prédits en premier lieu.

Depuis les annĂ©es 90, le diable de Tasmanie (Sarcophilus harrisii), le plus grand marsupial carnivore du monde, essuie une forme de cancer contagieuse. La maladie se transmet gĂ©nĂ©ralement par les morsures que s’infligent ces animaux entre eux. Des tumeurs se dĂ©veloppent alors dans la gueule, les empĂªchant finalement se nourrir. Avant l’apparition de cette Ă©pidĂ©mie il y a trente ans, ils Ă©taient encore 150 000 dans la nature. DĂ©sormais, il y en a moins de 30 000.

Pour tenter de sauver l’espèce de l’extinction, plusieurs programmes de rĂ©introduction ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s. En 2012, certains spĂ©cimens sains ont ainsi rejoint l’île Maria – un bout de terre de 116 kilomètres carrĂ©s situĂ© Ă  l’est de la Tasmanie – grĂ¢ce au DĂ©partement tasmanien des industries primaires, des parcs, de l’eau et de l’environnement (DPIPWE).

Certains programmes ont été couronnés de succès. Des diables de Tasmanie ont par exemple été réintroduits en Australie continentale trois mille ans après en avoir disparu il y a quelques mois, et certains se sont déjà reproduits. Concernant l’île Maria, le bilan est beaucoup plus mitigé.

Un désastre écologique

Les diables se sont effectivement multipliĂ©s, mais de manière incontrĂ´lĂ©e. Les autorisĂ©s prĂ©disaient une taille de population comprise entre 60 et 90 individus. Or aujourd’hui, ils sont plus d’une centaine. Les diables de Tasmanie sont ainsi devenus les prĂ©dateurs dominants, et d’autres espèces ont malheureusement pĂ¢ti de leur prĂ©sence.

Dans le cadre d’une enquĂªte, des chercheurs ont en effet soulignĂ© la perte de plus de 3 000 couples reproducteurs de manchots pygmĂ©es (Eudyptula minor) Ă©voluant sur l’île. Sur cet Ă©chantillon, de nombreux adultes ont Ă©tĂ© chassĂ©s et dĂ©vorĂ©s, quand d’autres ont prĂ©fĂ©rĂ© fuir les lieux sous la pression de la prĂ©dation.

Les petits manchots ne sont pas seuls Ă  pĂ¢tir de l’arrivĂ©e des diables. Les populations de Puffins Ă  bec grĂªle (Puffinus tenuirostris), d’oies du Cap (Cereopsis novaehollandiae) et de Gallinule de Tasmanie (Tribonyx mortierii) souffrent Ă©galement.

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Un manchot pygmée (Eudyptula minor) photographié sur Bruny Island, Tasmanie. Crédits : JJ Harrison

Une décision précipitée

Le bilan ne passe pas auprès de beaucoup d’écologistes, Ă  commencer par Eric Woehler, ornithologue Ă  l’UniversitĂ© de Tasmanie et chef du groupe de conservation BirdLife Tasmania, qui n’hĂ©site pas Ă  blĂ¢mer le DPIPWE pour sa gestion de la situation. « C’était un rĂ©sultat prĂ©visible et Ă©vitable », explique le chercheur Ă  Livescience.

D’ailleurs, les diables de Tasmanie n’auraient peut-Ăªtre jamais dĂ» Ăªtre rĂ©introduits sur l’île Maria en premier lieu. En 2011, le DPIPWE avait en effet publiĂ© un rapport prĂ©disant que l’arrivĂ©e de ces marsupiaux aurait « un impact nĂ©gatif » sur les colonies d’oiseaux, selon The Guardian. Finalement, la volontĂ© de sauver les diables de Tasmanie a conduit Ă  la « dĂ©cision irrĂ©flĂ©chie de les introduire malgrĂ© tout », poursuit Woehler.

De son côté, la DPIPWE se défend de toute accusation. « Le programme Save the Tasmanian Devil (STDP) surveille, évalue et examine en permanence la population du diable et les activités du programme », a déclaré à Live Science un porte-parole du département. « Tous les programmes de conservation efficaces sont adaptatifs et le PDTS continuera d’évoluer en fonction des nouvelles connaissances scientifiques et des priorités émergentes ».

De manière un peu ironique, une étude publiée dans Science laisse à penser que les diables de Tasmanie commencent à s’adapter au cancer qui décime leurs populations depuis plusieurs décennies. Par conséquent, l’introduction de diables de Tasmanie sur l’île Maria était finalement inutile.