Une nouvelle étude publiée dans Science laisse à penser que les diables de Tasmanie commencent à s’adapter au cancer contagieux qui décime leurs populations depuis plusieurs décennies.
Le diable de Tasmanie (Sarcophilus harrisii), un marsupial connu pour ses hurlements et son tempérament agressif, est depuis les années 90 victime d’une étrange maladie : une forme de cancer contagieuse qui se transmet par les morsures que s’infligent entre eux ces animaux durant les périodes d’accouplement ou lors des « partages » de carcasses. Une ou plusieurs tumeurs se développent alors dans la gueule des marsupiaux qui, au bout d’un moment, ne peuvent plus se nourrir. La plupart meurent généralement de faim en trois à cinq mois.
Cette maladie a fait des ravages. On estime en effet à seulement 25 000 le nombre de diables qui vivent encore dans la nature. Avant l’apparition de cette épidémie il y a trente ans, ils étaient encore 150 000.
Une lueur d’espoir
Ceci dit, les diables de Tasmanie entrevoient peut-être le bout du tunnel. Selon une récente étude, largement basée sur l’analyse génétique de tumeurs collectées au cours de ces dernières années, il semblerait en effet que la maladie commence à « s’atténuer ». D’après ces travaux, il y a encore quelques années, un diable souffrant de ce cancer transmissible pouvait en infecter trois à quatre autres en moyenne. Désormais, un diable infecté ne transmet la maladie qu’à un autre de ses congénères en moyenne.
Andrew Storfer, de l’Université de Washington et principal auteur de l’étude, évoque trois raisons pour expliquer cette baisse du taux de transmission.
La première est simplement que, étant donné il y a moins de diables de Tasmanie dans la nature, la chaîne de transmission peut être plus facilement interrompue. Il est également possible que ces marsupiaux aient commencé à évoluer en réponse au cancer, de manière à ne pas être infectés en premier lieu. Enfin, il existe des preuves récentes que ces tumeurs peuvent parfois régresser ou disparaître complètement dès leur développement, en partie à cause de mutations dans les tumeurs elles-mêmes et des défenses innées des diables de Tasmanie.
« Nous pensons que c’est une bonne nouvelle pour l’avenir du diable, et combiné à un nombre croissant d’analyses et de modèles génétiques, l’extinction de l’espèce semble désormais peu probable », estime le spécialiste.

Retarder la réintroduction d’animaux
Autre enseignement de cette étude : le fait de relâcher dans la nature des diables élevés en captivité pourrait être nuisible à l’espèce. « Il semble que les gènes des marsupiaux évoluent naturellement vers une tolérance, voire une résistance au cancer », détaille en effet le chercheur. « En réintroduisant tout un tas d’individus élevés en captivité, ils pourraient se reproduire avec des spécimens sauvages, ce qui aurait pour effet de freiner les adaptations évolutives qui les aident à combattre la maladie ».
Or, certains organismes ambitionnent justement de réintroduire des diables captifs dans les populations sauvages. Notez que pour l’heure, ces animaux n’ont été relâchés qu’en Australie continentale – trois mille ans après en avoir disparu – le temps de soutenir une population viable.