Les insomnies et les troubles du sommeil répétés ne se soldent pas que par des cernes marqués. Le manque de sommeil peut en effet avoir de graves répercussions sur la santé et le bien-être, notamment en augmentant le risque de troubles cardiovasculaires, d’obésité, de diabète, de dépression et d’accidents, et en affaiblissant le système immunitaire. Cela affecte aussi la cognition, la concentration et la mémoire, et peut entraîner une diminution des performances physiques et mentales. D’après une étude suédoise, cette dette de sommeil peut aussi nous donner l’impression d’être plus vieux qu’on ne l’est réellement, alors qu’un sommeil réparateur agit comme une véritable cure de jouvence.
Or, au-delà d’une simple impression subjective de ne pas avoir son propre âge, les conclusions de cette étude ont des implications profondes sur la santé et la vie des personnes insomniaques.
Quand le manque de sommeil nous fait nous sentir vieux
Dans cette étude publiée le 27 mars dans la revue scientifique Proceedings of the Royal Society B, les chercheurs prouvent qu’il existe une forte corrélation entre la qualité du sommeil et la perception de l’âge. Pour en venir à cette conclusion, cette équipe suédoise a mené deux études. Pour la première, ils se sont basés sur des questionnaires auxquels 429 personnes âgées de 18 à 70 ans ont pu répondre pour témoigner du nombre et des effets des nuits blanches ou peu qualitatives expérimentés au cours du mois. Grâce aux réponses obtenues, les scientifiques ont pu établir que les volontaires qui dormaient bien et n’accusaient aucune mauvaise nuit se sentaient six ans plus jeunes que leur âge réel. Les mauvais dormeurs n’ont quant à eux pas eu cette chance. En plus de la somnolence rapportée, ils se sentaient en moyenne trois mois plus âgés (0,23 an plus précisément) pour chaque mauvaise nuit.
Des chiffres plus alarmants dans un contexte de restriction du sommeil plus poussé
Pour aller plus loin, les scientifiques ont lancé une deuxième étude, cette fois auprès de 186 volontaires âgés de 18 à 46 ans. Ces derniers devaient communiquer leur âge ressenti après deux bonnes nuits de sommeil de plus de neuf heures et à l’inverse aussi dans le cas de huit heures de sommeil seulement en 48 heures. À cause de la sensation de somnolence exacerbée en journée, ceux qui avaient peu dormi se sentaient en moyenne 4,44 ans plus âgés. Après deux nuits consécutives avec moins de quatre heures de sommeil restreint au compteur, certains avaient même l’impression d’avoir encore plus vieilli que cela du fait du degré de somnolence extrême ressenti. Sans surprise, les personnes qui se sentaient alertes après deux bonnes nuits de sommeil avaient quant à elles le sentiment d’avoir 4 ans de moins que leur âge réel.
Comme l’explique en effet Léonie Balter, la principale autrice de l’étude également psychoneuroimmunologiste à l’Institut Karolinska de Stockholm, « un sommeil insuffisant provoque une sensation de somnolence, ce qui peut contribuer à se sentir plus âgé tout en limitant la capacité d’une personne à rester active physiquement et socialement, deux facteurs qui contribuent à se sentir jeunes. »

Un autre facteur à prendre en compte
Au cours de ces deux études, le sexe n’a aucunement influencé le résultat, bien que des travaux antérieurs aient démontré que les femmes ont besoin de plus de sommeil que les hommes. En revanche, le chronotype du sommeil s’est révélé assez important. Ici, on peut dégager deux types de profils de dormeurs principaux. Il y a en effet d’une part les lève-tôt-couche-tôt (parfois surnommés les alouettes) et d’autre part les couche-tard-lève-tard qui ont un démarrage lent le matin, mais qui voient leurs performances s’améliorer au fil de la journée pour culminer en soirée.
Or, dans le cadre de ces recherches, les personnes qui étaient plutôt du soir se sentaient souvent plus âgées que leur âge réel même après avoir passé une bonne nuit. Les personnes du matin souffraient cependant quant à elles beaucoup plus de l’impression de vieillir après un sommeil perturbé.
Les mauvaises nuits et le sentiment de vieillesse : un lien fort avec la santé
Selon la Dre Iuliana Hartescu, maître de conférences en psychologie à l’Université de Loughborough n’ayant pas participé à l’étude, ces résultats sont importants. En effet, « le sommeil est un comportement modifiable qui a un effet immédiat et notable sur notre santé. Les effets d’une mauvaise alimentation ou du manque d’activité physique prennent du temps à se voir. Les effets d’une mauvaise nuit sont immédiats et influencent tous les comportements du quotidien pour les 24 h qui suivent. »
Ces travaux démontrent ainsi bien l’importance de protéger son sommeil, notamment pour se sentir jeunes. Selon la Dre Léonie Balter, « le sommeil a un impact majeur sur l’âge que vous ressentez et il ne s’agit pas seulement de vos habitudes de sommeil à long terme. Même si vous dormez moins pendant deux nuits uniquement, cela a tout de même un réel impact sur la façon dont vous vous sentez. »
Elle ajoute par ailleurs que « l’âge subjectif est facilement et rapidement malléable. » Or, des recherches antérieures ont déjà affirmé que le fait de se sentir plus jeune que son âge réel est associé à une vie plus longue en meilleure santé. Outre la sensation désagréable et lourde à porter d’être fatigué et usé, cette perception de vieillesse prématurée favorise aussi la consommation d’une mauvaise alimentation et réduit le recours à l’exercice physique, autant de mauvais choix qui ont des effets sur la santé à long terme. Les dormeurs fatigués peuvent enfin perdre toute volonté de se sociabiliser et de se lancer dans de nouvelles expériences.
