Aliment très apprécié des Français, notamment en période de fêtes, la crevette provient bien souvent de l’élevage. Toutefois, l’exploitation de cet animal cache une face plus sombre. En effet, les femelles crevettes subissent une ablation de leur pédoncule oculaire afin de gagner en fertilité.
Pourquoi cette ablation ?
Les Français sont les plus gros consommateurs européens de crevettes. Ils en avalent en effet pas moins de 2 kg par an et par personne en moyenne. Par ailleurs, il se consomme 127 kilos de crevettes par seconde dans le monde, soit 4 millions de tonnes par an. Évoquons également le fait que les trois quarts de la production proviennent d’Asie, le reste venant principalement d’Amérique du Sud. Ces crustacés représentent un aliment de choix sur les tables, mais finalement, très peu de consommateurs savent réellement ce qui se passe au sein des élevages. Or, une pratique en particulier est très méconnue du grand public : l’ablation du pédoncule oculaire chez les femelles.
Dans sa thèse soutenue en 2003 devant la Faculté de Médecine de Nantes, le vétérinaire Cyrille François explique que l’ablation du pédoncule a une grande utilité pour les éleveurs. En effet, cela permet de lever l’inhibition du développement de l’ovaire causée par une hormone s’accumulant dans la glande endocrine de chaque pédoncule oculaire. Cette technique permet surtout de synchroniser les cycles sexuels de toutes les femelles présentes dans la zone de maturation. Celles-ci sont alors prêtes pour la fécondation entre deux et trois jours suivant l’ablation.
Par ailleurs, l’ablation a également pour effet d’augmenter la fréquence des maturations ovariennes. Ainsi, il est possible d’obtenir un indice de ponte de trois à quatre, c’est-à-dire trois à quatre pontes par mois au lieu d’une seule.
La rentabilité à tout prix
Ici se pose évidemment la question de la souffrance animale. En effet, plusieurs études ont déjà confirmé que les crevettes étaient des animaux sensibles capables de ressentir le stress et la douleur. À cette problématique s’ajoutent d’autres interrogations d’ordre éthique et sanitaire. Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France, estime que les élevages eux aussi tombent dans les travers de la rentabilité à tout prix.
Ainsi, il faut savoir que l’ablation entraîne un stress beaucoup plus important et une perte d’espérance de vie chez les animaux amputés. De plus, la génération suivante est plus faible, et donc davantage en proie aux maladies. Dans la mesure où les élevages sont caractérisés par une très forte concentration d’animaux, il devient alors nécessaire d’utiliser d’importantes doses d’antibiotiques et de produits chimiques afin de limiter les contaminations bactériologiques.
Quelles alternatives ?
Lamya Essemlali rappelle que cette norme est à peu près la même partout dans le monde. Alors, que faire ? Faut-il se tourner vers les bancs de crevettes sauvages ? Lamya Essemlali exclut cette possibilité, car la pêche à la crevette est une des pires pêcheries au monde en termes de sélectivité. Autrement dit, de nombreuses autres espèces non ciblées seraient également capturées.
Quid des crevettes bio ? Leur élevage interdit d’avoir recours à l’ablation du pédoncule oculaire. Cependant, il faut vérifier le respect de cette mesure. Par ailleurs, étant donné qu’il s’agit ici de productions en plus faibles quantités, les prix sont également beaucoup plus élevés.