Les chiens bénéficient d’une mémoire à court terme et d’une mémoire à long terme qui leur permet par exemple d’acquérir des automatismes (apprentissage des ordres, des tours, etc.), de multiplier les souvenirs liés à leurs expériences positives ou négatives ou encore de reconnaître des personnes. Et si ces différentes formes de mémorisation ne sont certes pas aussi efficientes que celles d’un humain, il n’en reste pas moins que certains de nos animaux de compagnie peuvent enregistrer un nombre phénoménal d’informations et faire preuve d’une intelligence incroyable… notamment lorsqu’il s’agit de leurs jouets préférés. Un trio d’éthologues de l’Université Eötvös Loránd (Hongrie) vient en effet de publier une étude qui prouve que certains chiens sont capables de se souvenir des noms de jouets pendant jusqu’à deux ans.
Des recherches antérieures ont montré que les chiens sont capables d’associer des mots humains à un jouet et d’ignorer ses autres jouets pour aller chercher celui qui est demandé. Il avait par ailleurs été démontré que certaines races sont meilleures pour établir ces associations, tout comme certains individus doués pour l’apprentissage des mots au sein de ces mêmes races. On pense ici à l’exemple notable de Chaser, le border collie capable de comprendre mille mots. Néanmoins, jusqu’où ces capacités peuvent-elles aller ?
La mémoire des chiens mise à l’épreuve avec des expériences
Curieux d’en savoir plus sur le sujet de la mémoire de nos canidés, Shany Dror, Ádám Miklósi et Claudia Fugazza ont mené quelques expérimentations avec Max, Rico, Squall, Whisky et Gaia, cinq borders collies déjà entraînés à associer des mots humains à des jouets et à les récupérer sur demande. Ici, chaque chien a été entraîné à associer des noms à douze jouets qu’ils n’avaient jamais vus auparavant. Notez ici que le temps disponible pour jouer variait en fonction des propriétaires. Les trois premiers avaient en effet des propriétaires plutôt occupés qui ne pouvaient les aider à jouer avec leurs jouets que pendant une demi-heure par jour. En revanche, avec plus de cinq heures de jeu par jour, Gaia a été particulièrement gâtée. Whisky avait quant à lui un temps de jeu intermédiaire.
Les chiens ont ensuite été testés pour savoir s’ils pouvaient se souvenir des noms des jouets un mois plus tard, puis à nouveau un mois après. Après s’être assurés que les chiens avaient bien appris ces noms, les chercheurs ont rangé tous les jouets pendant deux ans. Ils ont ensuite testé les chiens un par un, leur ont montré les jouets, puis, après avoir mélangé les jouets tests avec d’autres jouets familiers aux chiens dans une autre pièce, leur ont demandé de récupérer les jouets tests en appelant leur nom associé. Chaque chien a été testé deux fois pour chaque jouet et recevait une récompense en cas de réussite.

Quels résultats ?
Les chiens ont montré une solide capacité à retenir le nom des jouets après un mois ou deux et ont trouvé collectivement le bon jouet 70 % et 55 % du temps respectivement lors de ces tests. Cependant, c’est au bout de deux ans que les observations ont été les plus impressionnantes. Les chercheurs ont en effet constaté qu’en moyenne, les chiens étaient précis dans le choix du jouet spécifié 44 % du temps, des résultats bien meilleurs que ce que le hasard aurait produit (autour de 20,4 % selon les estimations des scientifiques).
Certains chiens étaient nettement meilleurs que d’autres et le temps passé à jouer ne semblait pas être un facteur. Rico et Gaia étaient en tête avec un taux de réussite de 60 % et 54 %, bien qu’il faille noter que le propriétaire de Rico a perdu sept des douze jouets au cours des deux ans, donc ces résultats peuvent être faussés. Par ailleurs, dans le groupe, seul le score de Squall était finalement à peu près conforme au hasard. Tous les autres chiens ont obtenu au moins 20 % de plus que la pure chance. Cela prouve ainsi que les chiens se souvenaient bel et bien des jouets et des noms grâce à leur mémoire à long terme plutôt que d’avoir simplement leur mémoire rafraîchie par leurs propriétaires grâce à des jeux fréquents avec l’objet.
Étudier la mémoire des chiens et leur capacité à mémoriser des noms, ça rime à quoi ?
Les canidés domestiques ont été choisis pour ces recherches en raison de leurs similitudes avec les enfants en développement, car ils sont constamment exposés au langage humain et que leur capacité à retenir des étiquettes cognitives rivalise avec celle des tout-petits. Les chiens n’ont en effet pas les capacités linguistiques des humains, mais l’étude indique que cela n’est pas un obstacle pour être capable d’attacher une étiquette à un objet et de se souvenir de ces étiquettes pendant de longues périodes. Selon Shany Dror, ces résultats pourraient donc avoir des implications pour la compréhension de l’évolution du langage humain, étant donné que la mémoire est l’un de ses nombreux composants.

« Pourquoi le langage est-il exclusivement humain ? Pour comprendre cela, nous devons comprendre quelles parties du langage sont disponibles chez d’autres animaux et lesquelles ne le sont pas », résume-t-elle. Ce type de recherche pourrait ouvrir de nouvelles voies d’exploration sur la manière dont nos propres processus de pensée ont évolué au fil du temps et continuent de fonctionner à ce jour.
L’équipe souligne en tout cas que le fait que certains chiens puissent apprendre les noms d’objets ne signifie pas que tous les chiens en sont capables, les facteurs derrière cette compétence restant encore flous et l’échantillon particulièrement limité (avec peu de représentativité de races et de différents individus au sein de celles-ci pour tester leurs capacités). Toutefois, la scientifique affirme que les chiens ayant ce talent avaient souvent des propriétaires qui passaient beaucoup de temps à interagir avec eux. « Plus vous investissez dans votre chien, plus vous recevrez en retour de la relation », estime-t-elle.
Vous pouvez lire l’étude, publiée dans la revue Biology Letters, sur ce lien.
