Oubliez les forêts tropicales et les récifs coralliens. Apparemment, si vous cherchez un haut lieu de biodiversité, il vous suffit de prendre un aller simple… en direction de votre salle de bain pour trouver cette jungle impressionnante. Dans une nouvelle étude menée par l’Université Northwestern, des microbiologistes ont en effet découvert que les pommeaux de douche et les brosses à dents regorgent d’une collection extrêmement diversifiée de virus, dont la plupart n’ont jamais été étudiés auparavant. Et bien que cela puisse sembler inquiétant de prime abord, ces recherches affirment que c’est en réalité plus que positif. Découvrez pourquoi.
Une grande variété de virus
Vous avez probablement entendu la légende urbaine selon laquelle lorsqu’il y a des toilettes dans votre salle de bain, vos brosses à dents finiraient forcément couvertes de matières fécales. Eh bien, cette nouvelle étude publiée le 9 octobre dans la revue Frontiers in Microbiomes est en fait un suivi des recherches d’Erica Hartmann, une professeure de microbiologie à l’Université Northwestern, qui avait par le passé découvert que la grande majorité des microbes sur votre brosse à dents proviennent en réalité probablement de votre bouche et non de la chasse d’eau en créant un nuage de particules en aérosol.
Cette première étude avait alors éveillé la curiosité des chercheurs. « Nous voulions savoir quels microbes vivent dans nos maisons. Si vous pensez aux environnements intérieurs, les surfaces comme les tables et les murs sont vraiment difficiles pour les microbes. Ils préfèrent les environnements avec de l’eau. Et où trouve-t-on de l’eau ? Dans nos pommeaux de douche et sur nos brosses à dents », explique Erica Hartmann. Son nouveau sujet de recherche s’est donc rapidement imposé à elle.
Les virus des pommeaux de douches et des brosses à dents passés à la loupe
Pour cette nouvelle enquête, l’équipe a séquencé l’ADN à partir de prélèvements réalisés sur ces deux objets. Les chercheurs ont alors identifié 614 virus différents sur 92 échantillons de pommeaux de douche et 34 échantillons de brosses à dents aux États-Unis. Plus intéressant encore, aucun des échantillons n’était identique (chaque brosse à dents et pommeau de douche semblait héberger sa propre communauté unique de virus) et les virus découverts sont en grande partie probablement nouveaux pour la science.
« Le nombre de virus que nous avons trouvés est absolument incroyable », s’étonne la chercheuse. « Nous avons découvert de nombreux virus dont nous savons très peu de choses et beaucoup d’autres que nous n’avons jamais vus auparavant. […] C’est étonnant de voir à quel point il y a une biodiversité inexploitée tout autour de nous. Et il ne faut même pas aller loin pour la trouver : elle est juste sous nos yeux. »

Une meilleure nouvelle qu’il n’y paraît
Bien que l’idée de virus sur votre brosse à dents puisse déclencher des frissons chez les grands maniaques de la propreté, les chercheurs ne voient pas cette découverte comme une source d’inquiétude, bien au contraire. « Les microbes sont partout et la grande majorité d’entre eux ne nous rendront pas malades », insiste Erica Hartmann. De plus, les agents microbiens détectés sur les pommeaux de douche et les brosses à dents sont en réalité principalement des bactériophages (ou plus simplement des phages). Inoffensifs pour les humains, ces virus sont connus pour infecter exclusivement les mycobactéries, un type de bactérie qui cause des maladies comme la tuberculose, la lèpre et certaines infections pulmonaires chroniques.
Les bactériophages fonctionnent de deux manières principales : soit ils détruisent les bactéries en détournant la machinerie bactérienne pour se répliquer, soit ils s’intègrent dans le génome bactérien pour modifier ainsi le comportement des bactéries.
Des implications importantes pour la santé
Tout d’abord, avec une estimation d’environ un trillion d’espèces microbiennes sur notre planète, dont 99,9 % restent à découvrir, ce type d’étude apparaît comme étant essentielle pour combler les lacunes dans nos connaissances sur ce sujet.
De plus, « nous pourrions envisager de prendre ces mycobactériophages et de les utiliser comme un moyen de nettoyer les agents pathogènes de votre système de plomberie », affirme Hartmann qui ajoute qu’elle voulait étudier avec son équipe « toutes les fonctions que ces virus pourraient avoir et comprendre comment nous pourrions les utiliser. »
Surtout, ces nouveaux virus pourraient être utiles pour développer des traitements contre les superbactéries résistantes aux antibiotiques. Les scientifiques sont déjà en train de développer des thérapies par phages où les virus pourraient compléter, voire remplacer les antibiotiques traditionnels tout en venant à bout des défenses des bactéries dangereuses. Pour rappel, ces agents pathogènes résistants aux médicaments tuent près de 1,3 million de personnes dans le monde chaque année et contribuent aux décès de près de cinq millions d’autres. Une estimation publiée récemment dans The Lancet suggère en outre que plus de 39 millions de personnes mourront d’infections résistantes aux antibiotiques d’ici 2050. Ces recherches sont donc cruciales.
Des conseils d’hygiène face aux virus

Erica Hartmann recommande de laver les pommeaux de douche avec du savon et de l’eau ou de les tremper dans du vinaigre pour éliminer les dépôts de calcium. Elle suggère également de remplacer régulièrement les têtes de brosses à dents électriques et les brosses à dents classiques, ce qui serait amplement suffisant pour maintenir une bonne hygiène. Elle se montre en revanche assez défiante face aux brosses à dents antimicrobiennes qui peuvent selon elle entraîner l’apparition de bactéries résistantes aux antibiotiques.
« Les microbes sont partout et la grande majorité d’entre eux ne nous rendront pas malades. Plus vous les attaquez avec des désinfectants, plus ils risquent de développer une résistance ou de devenir plus difficiles à traiter. Nous devrions tous simplement les accepter », conclut-elle.
Vous pouvez consulter l’étude en détail ici.
