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Enseignant avec un modèle de crâne Australopithecus africanus sur sa main. Crédits : Ivan Mattioli/iStock

Des chercheurs font une découverte étonnante chez les Australopithèques

L’évolution humaine est un sujet fascinant qui continue de captiver l’imagination des scientifiques et du grand public. Parmi nos ancêtres, les Australopithèques, qui vécurent il y a entre quatre millions et un million d’années, occupent une place importante dans ce récit évolutif. Or, une nouvelle étude nous apprend qu’ils pourraient avoir été plus semblables aux humains modernes que nous ne l’avions pensé, en particulier en ce qui concerne leur capacité à utiliser leurs mains.

Qui étaient les Australopithèques ?

Les Australopithèques sont un groupe d’hominidés originaires d’Afrique, considérés comme les premiers ancêtres humains capables de marcher sur deux jambes. Parmi eux, trois espèces principales sont souvent mises en avant : Australopithecus afarensis (3,9 à 3 millions d’années), Australopithecus africanus (entre 3,3 et 2 millions d’années) et Australopithecus sediba (2 à 1,8 million d’années). Bien qu’ils partageaient certaines caractéristiques avec les humains modernes, ils conservaient des traits plus primitifs comme des bras plus longs et des crânes plus petits, ce qui les rendait encore partiellement adaptés à l’escalade.

Pendant longtemps, les scientifiques pensaient que ces espèces n’étaient pas capables de manipuler des objets de manière aussi complexe que les humains modernes. Une équipe de chercheurs de l’Université Eberhard Karls de Tübingen, en Allemagne, a toutefois récemment publié une étude qui change la façon dont nous percevons les capacités manuelles des Australopithèques.

Une utilisation d’outils plus précoce que prévu

Dans le cadre de ces travaux, les chercheurs ont utilisé des modèles tridimensionnels pour examiner les os des mains et ont étudié les points d’attache musculaire qui sont essentiels pour comprendre comment ces ancêtres utilisaient leurs mains. Cette méthode leur a permis de déduire les types de mouvements et d’actions que ces hominidés pouvaient accomplir.

Les résultats de l’étude sont frappants : les Australopithèques semblaient capables de réaliser des mouvements de préhension et de manipulation, essentiels pour utiliser des outils. Cela implique que ces espèces se livraient à des activités qui nécessitaient de la dextérité bien avant que les premiers outils en pierre apparaissent il y a environ 3,3 millions d’années.

Il apparaît également que les Australopithèques utilisaient probablement des outils faits de matériaux périssables comme le bois ou les os qui n’ont ainsi pas été préservés au fil du temps, contrairement aux outils en pierre retrouvés dans des sites archéologiques. Cette hypothèse pourrait expliquer pourquoi les traces d’outils utilisés par les Australopithèques sont moins visibles dans les archives fossiles.

australopithèques
1 : Illustration des points d’attache des tendons sur le premier os du pouce droit chez un Australopithèque (gauche), un humain moderne (centre) et chez un chimpanzé (droite). 2 : Illustration des points d’attache des tendons sur la première phalange du pouce droit chez un Australopithèque (gauche), un humain moderne (centre) et un chimpanzé (à droite). Crédits : Journal de l’évolution humaine (2024)

Les implications de cette découverte

Cette étude ouvre de nouvelles perspectives sur l’évolution des capacités cognitives et manuelles de nos ancêtres. Si certaines espèces d’Australopithèques comme Australopithecus afarensis et Australopithecus sediba présentaient déjà des aptitudes pour la manipulation d’outils, cela repousse potentiellement l’apparition de la fabrication et de l’utilisation d’outils à un stade plus précoce que prévu dans l’histoire de l’humanité.

Traditionnellement, on pensait en effet que ces comportements étaient le propre du genre Homo, notamment avec Homo habilis qui signifie d’ailleurs homme habile en référence à ses capacités à façonner des outils. Cependant, les résultats de cette étude montrent que les Australopithèques pourraient eux aussi avoir eu les bases anatomiques nécessaires pour manipuler des objets et réaliser des tâches complexes. Cela change ainsi la perception que nous avions de leur intelligence. Plutôt que de les voir comme des hominidés limités à une vie simple et rudimentaire, ces découvertes suggèrent qu’ils avaient développé des capacités cognitives plus avancées qu’on ne le pensait auparavant.

Cela pourrait aussi amener à repenser les critères qui définissent la transition entre les Australopithèques et les premières espèces du genre Homo. Si l’utilisation d’outils n’est plus une caractéristique unique de Homo, cela signifie que des traits considérés comme déterminants dans l’évolution humaine étaient déjà présents chez des espèces plus anciennes. Cela renforce donc l’idée que l’évolution des capacités cognitives et manuelles s’est faite de manière progressive et non pas brutale.

En outre, les chercheurs croient que la manipulation d’outils a joué un rôle clé dans le développement du cerveau et des habiletés sociales chez les hominidés. Si les Australopithèques étaient capables de manipuler des objets, cela signifie qu’ils devaient probablement résoudre des problèmes complexes, organiser des tâches et peut-être même transmettre des connaissances au sein de leur groupe. Ces processus sont liés à des capacités d’apprentissage et de communication, des éléments cruciaux dans l’évolution vers des comportements plus complexes et des sociétés structurées.

Ces découvertes ouvrent également la voie à de nouvelles interrogations sur les interactions entre différentes espèces d’hominidés. Si les Australopithèques possédaient déjà des capacités avancées de manipulation, il est possible qu’ils aient influencé ou partagé certaines connaissances avec des représentants plus récents du genre Homo. Cela soulève l’hypothèse d’une transmission culturelle précoce, bien avant ce que l’on imaginait jusqu’à présent. L’étude des traces d’usure sur les outils en pierre retrouvés sur des sites plus anciens pourrait permettre de vérifier si ces objets ont été manipulés avec la précision que l’on prête désormais aux Australopithèques. Enfin, ces résultats renforcent l’idée que l’évolution humaine ne s’est pas faite selon une ligne unique et progressive, mais bien à travers une mosaïque complexe d’adaptations et d’innovations qui ont façonné notre espèce au fil du temps.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.