L’amplification arctique induit bien un affaiblissement des vents d’ouest

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Crédits : earth.nullschool.net.

Pour la première fois, un groupe de chercheurs a identifié la réponse de la circulation atmosphérique au réchauffement accéléré de l’Arctique en utilisant plusieurs milliers de simulations issues de la dernière génération de modèles climatiques. Les résultats ont été publiés dans la revue Nature Communications ce 7 février.

Le flux d’ouest des moyennes latitudes et les dépressions qui l’accompagnent dépendent du différentiel thermique entre le pôle et l’équateur. Or, dans le contexte du changement climatique, la région polaire nord se réchauffe deux à trois fois plus rapidement que le reste du globe. On parle d’amplification arctique. Aussi, une hypothèse veut que la réduction du contraste de température qui en résulte induise un affaiblissement du courant d’ouest et facilite l’entrée des masses d’air froid aux latitudes tempérées, entre autres conséquences.

La complexité du lien entre amplification arctique et circulation atmosphérique

La réaction de la circulation atmosphérique au réchauffement accéléré de l’Arctique fait toutefois l’objet d’un intense débat dans la communauté scientifique depuis une dizaine d’années. En effet, les contradictions entre les études de modélisation, essentielles pour établir un lien de causalité, et les études d’observation n’ont pas permis d’obtenir de résultats réellement concluants. Par ailleurs, la difficulté à identifier le signal en question au sein de la variabilité propre à l’atmosphère reste un problème de taille.

Un effort de recherche majeur accompli dans le cadre du Polar Amplification Model Intercomparison Project (PAMIP) vient désormais apporter un éclaircissement majeur. Les chercheurs ont analysé la réponse de seize modèles climatiques de dernière génération au réchauffement arctique en tirant parti d’un super-ensemble contenant plus de 3000 membres et dont chacun a suivi le même protocole expérimental. Au terme de ce travail inédit axé sur l’hiver boréal, les scientifiques ont pu identifier une réponse solide simulée par chaque modèle en réponse au réchauffement et à la perte de glace futurs.

Arctique
Anomalies de vent d’ouest en basse couche durant l’hiver boréal (en m/s) selon la moyenne des modèles (haut) et en tenant compte du biais sur la rétroaction des tourbillons (bas). Les couleurs bleu et rouge indiquent respectivement un ralentissement et un renforcement du vent. Notez le léger ralentissement et déplacement du courant d’ouest vers le sud, en particulier dans l’Atlantique Nord. Crédits : D. M. Smith & coll. 2022.

Le projet PAMIP apporte une importante pièce au puzzle

Les résultats montrent un affaiblissement et un déplacement du courant d’ouest vers le sud, concrétisant une réponse atmosphérique de type NAO-. Il s’agit plus précisément du régime d’oscillation nord-atlantique négative, caractérisé par une anomalie anticyclonique vers l’Islande et une anomalie dépressionnaire vers les Açores. Or, ce régime facilite les coulées froides en Europe du Nord et en Asie. Dans ses grands traits, l’étude confirme donc l’hypothèse initiale présentée plus haut.

Cependant, l’amplitude de la réponse diffère selon les modèles. Un des points novateurs du papier a été de relier cette dispersion à l’intensité de la rétroaction des tourbillons transitoires (dépressions et anticyclones). En effet, plus cette dernière est forte, plus la réaction de l’atmosphère au réchauffement de l’Arctique est marquée. Or, les chercheurs ont trouvé que les modèles sous-estiment la force de la rétroaction d’un facteur 1,2 à 3 et que la réalité devait donc se trouver à l’extrémité haute du panel de simulations. De fait, on comprend mieux pourquoi les études de modélisation ont souvent montré l’absence de réponse solide.

Enfin, les auteurs soulignent que les changements diagnostiqués restent d’une amplitude bien inférieure à la variabilité interne l’atmosphère. À cet égard, le signal ne correspond qu’à 10 % de la variabilité interannuelle et « est donc peu susceptible d’avoir un impact important sur la moyenne saisonnière des différents hivers », rapporte l’étude dans sa conclusion. En d’autres termes, il s’agit d’une modulation à la marge sur un système à forte variabilité et influencé par un ensemble de facteurs souvent plus déterminants.