La diffusion continue de cartes de pression situant les zones dépressionnaires et anticycloniques a rendu ces systèmes si familiers qu’il est facile de penser bien les connaître. Et pourquoi pas, finir par en banaliser le statut. Néanmoins, leur nature physique fondamentale est loin d’être intuitive. Au point qu’elle en fait des phénomènes quelque peu mystérieux, tant la façon dont ils fonctionnent semble échapper au sens commun. Cet article vise à mettre en avant cette complexité souvent insoupçonnée.
Dépressions ou basses pressions, anticyclones ou hautes pressions… Voilà des termes qui reviennent sans cesse dans le discours météorologique. Aussi, chacun sait que les premiers tendent à être accompagnés d’un temps perturbé et les seconds, d’un temps bien plus calme. En effet, les dépressions sont le siège d’un mouvement ascendant favorisant la formation de nuages et de précipitations. A contrario, les anticyclones sont le siège d’un lent mouvement descendant menant à la dissipation des nuages précipitants. Une relation exprimée de façon quasi systématique sur les baromètres grand public.
Cyclones, anticyclones, dépressions, hautes pressions… Quèsaco ?
En dynamique des fluides géophysiques, les termes cyclone et anticyclone se définissent en fonction du sens de rotation des circulations. Lorsqu’elles ont le même signe que la rotation de la Terre par rapport à la verticale locale, on parle de cyclone. Cela implique un mouvement dans le sens inverse des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère nord et dans le sens des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère sud. Dans l’atmosphère, les circulations cycloniques se font autour des zones de basses pressions. En météorologie, un cyclone est donc aussi une région où la pression est plus basse que dans le voisinage – signe d’un déficit local de masse (la colonne d’air pèse moins). Inversement, un anticyclone s’associe à une zone de hautes pressions – signe d’un excédent local de masse (la colonne d’air pèse plus). Cette dépendance structurelle à la pression est due à l’influence de la force de Coriolis.
Fondamentalement, une dépression ou un anticyclone est une organisation circulatoire représentant la transformation locale d’énergie d’une forme à une autre. Par exemple, autour d’une tempête, l’énergie potentielle de gravité contenue dans le contraste thermique est convertie en énergie cinétique (vent). Sous l’effet des forces en présence, les parcelles d’air sont accélérées, prennent part à la circulation du système, participent à son évolution en redistribuant la masse, puis s’en échappent. Autrement dit, elles circulent globalement à travers la structure météorologique. Ci-dessous, on propose une visualisation 3D de trajectoires de parcelles d’air dans une dépression.
Par conséquent, les parcelles de fluide qui composent la tempête sont constamment renouvelées. De façon équivalente, on peut dire que les nouvelles parcelles d’air qui arrivent régénèrent constamment le tourbillon cyclonique.
La dynamique non-intuitive des systèmes de pression atmosphériques
On voit ainsi que les dépressions et les anticyclones ne sont pas des objets physiques capables de se déplacer en bloc, de se bousculer ou se chasser. À ce titre, une tempête n’est jamais poussée par les courants de plus grande échelle comme le serait un disque posé sur une rivière. Ce vocabulaire, souvent utilisé par souci de simplification, donne le sentiment erroné d’une physique analogue à celle rencontrée en mécanique du solide. Or, comme nous l’avons vu, ces systèmes sont des organisations circulatoires – signatures de l’accélération des parcelles d’air sous l’action des forces en présence.
Pour comprendre comment évoluent réellement les zones de hautes et basses pressions, il faut étudier ces accélérations et leurs conséquences. Fondamentalement, il s’agit ni plus ni moins d’une expression de la seconde loi de Newton. Partons d’un gradient de pression initialement nul sur une Terre en rotation et chauffée inégalement. Suite à ce déséquilibre énergétique, les éléments fluides seront rapidement mis en mouvement. Ce faisant, du vent sera créé et la masse redistribuée étant donné que les particules d’air se déplacent. Ainsi, le champ de pression initial sera modifié et les accélérations réorganisées. De fait, le champ de vent et de pression se réajusteront constamment l’un et l’autre sans jamais trouver d’équilibre parfait. Les expressions de ces déséquilibres sont les dépressions, les anticyclones, etc. qui font la pluie et le beau temps.
Certaines structures sont quasi permanentes (comme les basses pressions subpolaires et les hautes pressions subtropicales), d’autres transitoires. Leur propagation est analogue à celle d’un pli sur un drap que l’on agite. Les éléments du drap subissent des accélérations sous l’effet de forces et donnent l’impression d’une structure qui se déplace comme un objet. En réalité, le pli est constamment reformé par l’avant et comblé par l’arrière. L’animation ci-dessus, issue d’une simulation numérique, permet de cerner de façon plus visuelle ce qui vient d’être dit.
Conclusion
En résumé, l’évolution de nos dépressions et anticyclones se comprend réellement en termes de propagation, d’amplification et d’atténuation de signatures de pression, de vent, etc. Un peu à la manière de vagues, ce qui explique d’ailleurs pourquoi la physique des ondes s’applique si bien à l’étude de la dynamique atmosphérique. Les notions d’ondes stationnaires ou propagatives, de déferlement, de vitesse de phase ou de groupe constituent autant de mécanismes par lesquels la physique moderne décrit la complexité des mouvements de l’atmosphère. En somme, une complexité qui n’apparaît pas spontanément à la vue d’une carte de pression présentée au bulletin météo. C’est le moins que l’on puisse dire !
Pour plus d’informations sur cette thématique, vous pouvez consulter cet article ou encore celui-ci.
Sources : Dynamical and physical meteorology, George J. Haltiner & Frank L. Martin / Atmospheric Circulation Systems, E. Palmén & C. Newton / Mid-latitude Weather Systems, Toby N. Carlson / Fluid Dynamics of the Mid–Latitude Atmosphere, Brian J. Hoskins & Ian N. James.