Taforalt grotte drogue
L'entrée de Taforalt, alias Grotte des Pigeons, photographiée en 2017. Crédits : Nicolas Perrault III

Une grotte contient des preuves de consommation d’éphédra vieilles de 15 000 ans

Dans la grotte des Pigeons, aussi appelée Taforalt, située dans le nord-est du Maroc, des archéologues ont mis au jour des ossements humains et des objets rituels associés à une plante particulière : l’éphédra. Cette plante, bien connue aujourd’hui dans certaines médecines traditionnelles, était utilisée pour ses effets stimulants et thérapeutiques. Cette découverte marque ainsi la plus ancienne preuve de son usage par l’Homme et pose des questions fascinantes sur les connaissances de nos ancêtres en matière de phytothérapie ainsi que sur les pratiques symboliques entourant la mort.

Un site archéologique riche en histoire

La grotte des Pigeons est un trésor pour les archéologues, car elle contient des sépultures de plusieurs adultes et enfants datant d’environ 15 000 ans. Découvertes entre 2005 et 2015, ces tombes montrent que les défunts ont été enterrés avec soin, souvent accompagnés d’objets funéraires. Un squelette en particulier, désigné sous le nom « Individu 14 », a suscité l’attention. Ce jeune homme, âgé d’environ 20 ans au moment de sa mort, a été retrouvé entouré de vestiges calcinés de plantes, d’os d’animaux, de pierres et d’objets ocre.

Parmi ces plantes brûlées, des chercheurs de l’Université de Las Palmas de Gran Canaria ont identifié sept espèces différentes, dont l’éphédra. Cela suggère qu’elle occupait une place spéciale dans les rituels funéraires de cette période.

Une plante aux multiples propriétés

L’éphédra, plante robuste qui pousse dans des régions au climat sec et aride, est dotée de caractéristiques uniques qui en font un remède naturel prisé depuis des millénaires. Sa principale substance active est l’éphédrine, un composé naturel aux effets stimulants qui agit directement sur le système nerveux.

Dans les cultures traditionnelles, notamment en Inde et en Chine, cette plante est notamment connue pour sa capacité à soulager les symptômes respiratoires et à stimuler l’énergie, en particulier durant les saisons froides ou en cas d’affaiblissement physique. Elle est également souvent employée pour soulager les symptômes du rhume et de la congestion nasale, car elle libère les voies respiratoires et apaise les sinus.

Dans la médecine moderne, l’éphédrine est utilisée pour traiter l’asthme et des problèmes comme la narcolepsie. Elle est également utilisée pour stabiliser la pression artérielle lors d’interventions chirurgicales du fait de son effet vasoconstricteur qui permet de rétrécir les vaisseaux sanguins et de réduire les saignements.

éphédra
Illustration de l’individu 14 (en bleu) avec son noyau de corne de mouflon à manchettes (en gris), sa pierre avec de l’ocre (en gris foncé et rouge), ses os d’animaux (en jaune) et ses morceaux de plante d’éphédra (en taches rouges). Crédits : J Morales et al, Scientific Reports 2024

Pourquoi l’enterrer avec les défunts ?

Les chercheurs émettent l’hypothèse que nos ancêtres connaissaient peut-être déjà les effets revigorants et médicinaux de cette plante. Son inclusion dans les sépultures pourrait indiquer qu’elle était utilisée pour conférer des bénéfices particuliers aux défunts. Les archéologues avancent notamment l’hypothèse que cette plante aurait pu jouer le rôle de « nourriture médicinale », offrant des effets nutritifs et stimulants pour combattre la faim ou soutenir la vitalité. En plaçant cette plante aux côtés des défunts, les vivants espéraient peut-être leur offrir une forme de protection ou de soin symbolique dans l’au-delà.

Bien que les intentions précises de ces humains préhistoriques nous échappent encore, cette découverte suggère que nos ancêtres exploitaient les propriétés des plantes autant pour la santé physique que pour des pratiques rituelles et spirituelles, ce qui montre qu’ils possédaient des connaissances avancées en matière de phytothérapie.

Un savoir ancestral qui traverse les âges

Cette découverte met en lumière l’importance des plantes dans les croyances et les pratiques des sociétés préhistoriques. L’usage rituel de l’éphédra dans les sépultures de Taforalt suggère non seulement une connaissance approfondie des propriétés médicinales des végétaux, mais aussi une perception symbolique du passage vers l’au-delà. Loin d’être un simple hasard, le choix de cette plante pourrait témoigner d’une volonté d’accompagner les défunts dans leur voyage post-mortem, en leur procurant une forme de vitalité spirituelle ou en facilitant leur transition vers une autre existence. Ce lien entre pharmacopée et rites funéraires rappelle que les premiers groupes humains possédaient une culture riche et structurée, où la nature et ses bienfaits étaient intégrés dans des pratiques à la fois thérapeutiques et symboliques. Ces traditions, bien que méconnues, trouvent d’étranges résonances dans les médecines traditionnelles modernes, où certaines plantes sont encore utilisées à des fins curatives et rituelles.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.