Une Ă©norme tempĂȘte solaire pourrait-elle couper Internet ?

Crédits : Michal Jarmoluk / Pixnio.

Une Ă©tude menĂ©e par des chercheurs de l’UniversitĂ© de Californie dĂ©taille les effets dĂ©vastateurs qu’une tempĂȘte gĂ©omagnĂ©tique particuliĂšrement violente pourrait avoir sur les cĂąbles sous-marins soutenant l’Internet mondial. Et les nouvelles ne sont pas trĂšs bonnes.

L’impact du Soleil sur Internet

Nous savons depuis longtemps que les tempĂȘtes solaires extrĂȘmes, ou une Ă©jection de masse coronale, peuvent endommager les rĂ©seaux Ă©lectriques terrestres, et potentiellement provoquer des pannes prolongĂ©es. Des chaĂźnes d’approvisionnement mondiales aux transports en passant par l’accĂšs GPS, les rĂ©percussions se feraient sentir dans tous les domaines ou presque.

L’impact de ces tempĂȘtes sur l’infrastructure Internet – qui repose essentiellement sur un rĂ©seau complexe de cĂąbles posĂ©s au fond des ocĂ©ans – est cependant moins examinĂ© jusqu’à prĂ©sent. Lors de la confĂ©rence de communication de donnĂ©es SIGCOMM 2021, Sangeetha Abdu Jyothi, de l’UniversitĂ© de Californie (Irvine) a rĂ©cemment prĂ©sentĂ© son examen des dommages potentiel infligĂ© par un tel nuage de particules solaires magnĂ©tisĂ©es sur la « planĂšte Internet ».

«Ce qui m’a vraiment fait penser Ă  cela, c’est qu’avec la pandĂ©mie, nous avons vu Ă  quel point le monde n’était pas prĂ©parĂ©. Il n’y avait pas de protocole pour y faire face efficacement. C’est la mĂȘme chose avec la rĂ©silience d’Internet», explique Ă  WIRED Sangeetha Abdu Jyothi, Ă  l’origine de ces travaux. «Notre infrastructure n’est pas prĂ©parĂ©e pour un Ă©vĂ©nement. Nous avons une comprĂ©hension trĂšs limitĂ©e de l’étendue des dommages».

D’aprĂšs cette Ă©tude, les dĂ©faillances pourraient ĂȘtre catastrophiques pour les longs cĂąbles sous-marins reliant continents, provoquant une perte massive de connectivitĂ© pendant plusieurs mois. Pour transmettre les donnĂ©es, ces cĂąbles sont en effet Ă©quipĂ©s de rĂ©pĂ©teurs placĂ©s Ă  intervalles rĂ©guliers chargĂ©s d’amplifier le signal optique. Or, ces « relais » sont remplis de composants Ă©lectroniques vulnĂ©rables aux courants induits gĂ©omagnĂ©tiquement.

Cela ne veut pas dire que nous serions coincĂ©s « dans le noir ». Selon Sangeetha Abdu Jyothi, l’infrastructure Internet locale et rĂ©gionale prĂ©senterait cependant un faible risque de dommages, mĂȘme en cas de tempĂȘte solaire massive, car la fibre optique n’est pas affectĂ©e par ces courants.

cĂąble sous-marin internet
Photo d’époque (1925) de l’arrivĂ©e Ă  New York du premier cĂąble sous-marin reliant l’Italie Ă  l’AmĂ©rique du Nord. CrĂ©dits : Wikimedia Commons

Qui seraient les plus touchés ?

Plus on se rapproche des pĂŽles, plus les Ă©jections de masse coronale font des dĂ©gĂąts. Les cĂąbles qui traversent les ocĂ©ans Atlantique et Pacifique Ă  haute latitude seraient particuliĂšrement exposĂ©s Ă  des tempĂȘtes, mĂȘme modĂ©rĂ©es. Les États-Unis seraient probablement les plus durement touchĂ©s, note l’étude, en raison de leur dĂ©pendance Ă  l’égard de ces infrastructures pour les connecter Ă  l’Europe.

L’Europe s’en tirerait un peu mieux en raison de ses connexions terrestres. Le continent asiatique serait aussi moins touchĂ© dans la mesure oĂč Singapour, qui sert de plaque tournante pour de nombreux cĂąbles sous-marins dans la rĂ©gion, se trouve plus prĂšs de l’équateur. En outre, les cĂąbles y sont Ă©galement plus courts, se ramifiant dans de nombreuses directions.

Selon les chercheurs, la probabilitĂ© qu’un Ă©vĂ©nement solaire suffisamment important puisse provoquer de telles perturbations est de 1,6 Ă  12% par dĂ©cennie. Le risque est donc important. Aussi pour Abdu Jyothi, des recherches beaucoup plus approfondies doivent ĂȘtre effectuĂ©es pour mieux apprĂ©hender l’ampleur de la menace, et donc mieux s’y prĂ©parer.