Ganymède Io James Webb Telescope
Crédits : Samantha Trumbo, Cornell [Ganymede] et Imke de Pater, UC Berkeley [Io]

Le télescope James Webb voit les lunes de Jupiter sous un nouveau jour

Avec ses caméras infrarouges sensibles et son spectromètre haute résolution, le télescope spatial James Webb révèle de nouveaux secrets sur Ganymède, la plus grande lune du Système solaire, et Io, la plus volcaniquement active.

Du peroxyde d’hydrogène aux pôles de Ganymède

La première étude concerne Ganymède. À l’aide de mesures capturées par le spectromètre proche infrarouge (NIRSpec) du télescope James Webb, une équipe de l’Université Cornell annonce avoir détecté l’absorption de la lumière par le peroxyde d’hydrogène (H2O2) autour des pôles de la lune. Dans leurs travaux publiés dans Science, les astronomes soutiennent que ce peroxyde, que nous utilisons sur Terre comme désinfectant et agent de blanchiment, est produit par des particules chargées qui frappent la glace d’eau gelée autour des pôles. Ces molécules se brisent en fragments (processus de radiolyse), avant de se recombiner pour former du peroxyde d’hydrogène.

Les astronomes soupçonnaient déjà qu’un tel processus pouvait se produire autour des pôles de Ganymède. Et pour cause, contrairement à toutes les autres lunes de notre Système solaire, elle possède un champ magnétique qui dirige les particules chargées vers les pôles. Ainsi, tout comme la façon dont le champ magnétique terrestre dirige les particules chargées du Soleil vers les latitudes élevées, provoquant des aurores, le champ magnétique de Ganymède fait la même chose avec les particules de la magnétosphère de Jupiter. Ici, non seulement ces particules provoquent des aurores à Ganymède, mais elles ont également un impact sur sa surface glacée.

Des chercheurs avaient auparavant étudié le peroxyde d’hydrogène sur Europe. Cependant, le peroxyde était détectable sur une grande partie de sa surface, probablement du fait qu’elle n’a aucun champ magnétique.

Ganymède Io James Webb Telescope
Photos en gros plan de Ganymède et Io prises par le vaisseau spatial Juno de la NASA en 1997 alors qu’il était en orbite autour de Jupiter. Crédits : NASA/JPL/USGS

Le télescope James Webb dévoile l’environnement sulfureux d’Io

La seconde étude, publiée dans la revue JGR: Planets, se concentre sur Io et a révélé la présence de multiples éruptions en cours, résultat de forces gravitationnelles extrêmement fortes exercées par Jupiter, ce qui crée un réchauffement des marées à l’intérieur de la lune.

Pour la première fois, les chercheurs ont également pu lier une éruption volcanique à des émissions de monoxyde de soufre (SO). Concrètement, le dioxyde de soufre (SO2) est le composant principal de l’atmosphère d’Io. Il provient de la sublimation de la glace de dioxyde de soufre ainsi que des éruptions volcaniques en cours. Les volcans produisent également du monoxyde de soufre, mais il est beaucoup plus difficile à détecter que le SO2. Et pour cause, le monoxyde de soufre est une espèce chimique relativement instable et réactive, et il peut rapidement se transformer en dioxyde de soufre dans l’atmosphère de Io. La raie d’émission interdite de SO est notamment encore plus difficile à détecter.

Une raie d’émission interdite ?

Dans le contexte de la spectroscopie, les « raies d’émission » se réfèrent aux longueurs d’onde spécifiques de la lumière émise par un gaz ou un atome lorsqu’il se désexcite après avoir été excité énergétiquement. Lorsque les électrons dans un atome ou une molécule absorbent de l’énergie et montent à des niveaux d’énergie plus élevés, ils finissent par retourner à des niveaux d’énergie inférieurs en émettant de l’énergie sous forme de photons de lumière. Chaque transition d’énergie est associée à une raie spectrale lumineuse caractéristique, et ces raies peuvent être utilisées pour identifier les éléments ou composés présents dans un échantillon.

Une « raie d’émission interdite » se produit lorsqu’il y a une transition énergétique qui est normalement permise par les règles quantiques, mais qui a une probabilité extrêmement faible de se produire. La raie d’émission associée à cette transition est aussi très faible en intensité, rendant difficiles son observation et son analyse.

Dans ce cas précis, le monoxyde de soufre (SO) possède une raie d’émission interdite spécifique qui rend ses émissions plus difficiles à détecter que celles du dioxyde de soufre (SO2). Cela signifie que lorsque le SO se désexcite après avoir été excité énergétiquement, la raie spectrale correspondante est très faible en intensité lumineuse, ce qui la rend moins visible et difficile à distinguer des autres raies spectrales présentes dans l’atmosphère d’Io.

Ici, les observations ont pu être faites alors que Io était dans l’ombre de Jupiter. Dans ces conditions, le dioxyde de soufre a en effet tendance à geler en surface, ne laissant alors que du SO et du SO2 volcanique nouvellement émis visibles dans les données. Elles ont donc montré pour la première fois que ce soufre excité, déjà observé, provenait en fait d’un volcan.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.