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Sachets de nicotine : entre interdiction française et success story US

Alors que la France compte interdire les sachets de nicotine (« pouches »), les États-Unis poursuivent une stratégie inverse, misant sur ces alternatives comme leviers de réduction des risques. Deux stratégies diamétralement opposées, révélatrices de conceptions radicalement différentes de la lutte contre le tabagisme.

Aux États-Unis, la réduction des risques comme boussole

Les pouches — petits sachets blancs à placer sous la lèvre — sont autorisés depuis 2014 outre-Atlantique. Composés de nicotine synthétique, de fibres végétales et d’arômes, ces produits ne contiennent ni tabac ni substances issues de la combustion, ce qui réduit significativement les risques sanitaires comparés à ceux du tabac fumé.

Cette orientation est pleinement assumée par la Food and Drug Administration (FDA), qui vient d’autoriser la commercialisation des pouches ZYN, une marque détenue par Philip Morris International (PMI), après une évaluation rigoureuse portant sur la toxicité des ingrédients, le processus de fabrication, la fiabilité des fournisseurs et l’analyse des risques.

Scott Gottlieb, ancien commissaire de la FDA, défend cette décision comme un équilibre entre « protection des jeunes et réduction des risques ». « Nous avons mis dans la balance les risques et les bénéfices. Pour ceux qui ne parviennent pas à se sevrer de la nicotine, il est préférable de les orienter vers des alternatives beaucoup moins nocives », explique-t-il.

Le cadre réglementaire est strict : vérification de l’âge, restrictions sur les arômes, encadrement de la publicité, et interdiction de tout message visant les mineurs. « Les pouches Zyn doivent s’adresser uniquement aux fumeurs adultes en quête d’alternatives, sans avoir d’impact sur les jeunes », poursuit Scott Gottlieb. « C’est pourquoi nous avons exigé de PMI une limitation du nombre de saveurs, privilégiant les goûts classiques. Les sachets doivent rester un outil de substitution, et non devenir une porte d’entrée vers la nicotine pour les plus jeunes ».

Cette stratégie semble porter ses fruits : le taux de tabagisme aux États-Unis est d’environ 8,5 %, soit deux fois moins qu’en France. Le pays cherche désormais à tourner la page du tabac combustible, en misant notamment sur les pouches et le tabac chauffé de PMI, avec une fiscalité incitative. Dans certains États, les boîtes de ZYN sont ainsi vendues jusqu’à 30 % moins cher que les cigarettes, renforçant leur attractivité en tant qu’alternative.

La Suède, un modèle inspirant pour les États-Unis

La stratégie américaine s’inspire largement de l’exemple suédois. Dès le XIXe siècle, la Suède a adopté le snus — un tabac humide à usage oral —, avant de se tourner vers les sachets de nicotine. Résultat : le pays affiche aujourd’hui un taux de tabagisme inférieur à 5 %, le plus bas d’Europe, et l’un des taux de cancers du poumon les plus faibles du continent.

Pour Karl Olov Fagerström, psychologue suédois spécialiste des addictions, « la nicotine seule n’est pas cancérigène ; ce sont les produits issus de la combustion du tabac qui sont responsables des maladies ». Selon lui, rejeter les alternatives sans fumée revient à ignorer les preuves scientifiques. Il estime qu’une politique inspirée du modèle suédois permettrait à la France de diviser par deux le nombre de décès liés au tabac, soit environ 37 500 vies épargnées chaque année. Pour mémoire, le tabagisme demeure première cause de mortalité évitable en France.

En France, une ligne dure face à un produit jugé trop séduisant

Le gouvernement français adopte une position diamétralement opposée à celle des États-Unis concernant les pouches. Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, fait de leur interdiction un pilier de sa politique antitabac. Il juge ces produits encore trop peu encadrés et affirme qu’ils visent « principalement les jeunes, avec leurs arômes attrayants et leur format discret ». Pour les autorités sanitaires françaises, le risque de séduire les mineurs et de les rendre dépendants à la nicotine l’emporte sur tout bénéfice potentiel pour les fumeurs.

Le Comité National Contre le Tabagisme (CNCT) met notamment en avant les cas d’intoxication liés à ces produits. En 2023 et 2024, les centres antipoison ont recensé 90 signalements, dont plus de la moitié concernaient des mineurs.

Pourtant, la position du gouvernement fait débat. Un groupe de sénateurs, conduit par Xavier Iacovelli, plaide pour une « régulation stricte plutôt qu’une interdiction totale ». Selon eux, il serait plus judicieux d’encadrer fermement l’usage de ces produits, plutôt que de les bannir entièrement.

La France a d’ores et déjà notifié à la Commission européenne sa volonté d’interdire les pouches. Une décision est attendue d’ici la fin du mois d’août. En attendant, le sort de ces sachets dans l’Hexagone reste suspendu.

Deux visions, un objectif commun

Le contraste entre la France et les États-Unis reflète deux conceptions opposées de la lutte contre le tabagisme : d’un côté, une politique préventive fondée sur l’interdiction ; de l’autre, une stratégie de transition fondée sur des alternatives jugées moins nocives. Deux chemins divergents, mais un objectif commun : faire reculer la mortalité liée au tabac.

Rédigé par Lison