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Vieillissement : les tardigrades sont-ils le secret de la vie éternelle ?

Les tardigrades ont beau être minuscules (entre 0,1 et 1,2 mm) et avoir une apparence surréaliste (munis de leurs huit pattes et de leur paire d’yeux), reste que leur capacité de survie inégalée face à des conditions extrêmes fascine les chercheurs depuis longtemps. En effet, ni le manque d’oxygène ou d’eau, ni les températures extrêmes, ni les rayonnements cosmiques et ultraviolets, ni des coups de feu ne peuvent venir à bout des oursons d’eau, si bien que ces métazoaires peuplent la Terre depuis au moins 500 millions d’années et ont pu survivre à cinq extinctions massives survenues par le passé. Et si ces capacités extraordinaires pouvaient être mises au service de la santé humaine ?

C’est en tout cas une piste explorée par l’Université du Wyoming (États-Unis) qui pense que les protéines de ces organismes fascinants invisibles à l’oeil nu pourraient nous permettre… de contrer les effets du vieillissement.

Les capacités folles des tardigrades étudiées

Dans le monde, on en retrouve plus de 1 300 espèces différentes qui peuplent le monde entier, depuis les fonds océaniques les plus profonds jusqu’aux sommets terrestres les plus élevés. Toutefois, on peut aussi les retrouver plus près de nous, partout dans l’environnement. Si plusieurs facteurs peuvent expliquer comment ces animaux sont devenus des champions de la résilience avec une capacité d’adaptation face à la chaleur intense, au froid glacial, à la sécheresse prolongée, à une pression élevée ou même au vide de l’espace, la robustesse de ces organismes réside en grande partie dans la cryptobiose (aussi appelée biostase ou animation suspendue).

Non sans rappeler l’hibernation, cet état de dormance extrême dans lequel les tardigrades entrent en réponse à des conditions environnementales défavorables et stressantes leur permet de ralentir considérablement leur métabolisme et leurs processus vitaux à un point où ils semblent presque inactifs. Cette capacité leur permet de survivre à des périodes prolongées sans eau, même dans des environnements extrêmement hostiles. Lorsque les conditions redeviennent favorables, les tardigrades peuvent ensuite sortir de la cryptobiose et reprendre leurs activités normales. Cette capacité de transition entre un état actif et un état dormant est cruciale pour leur survie.

Or, c’est justement en étudiant les mécanismes qui sous-tendent cette biostase face à des facteurs de stress que Silvia Sanchez-Martinez, chercheuse scientifique principale au Département de biologie moléculaire de l’Université du Wyoming, et son collègue Thomas Boothby ont eu l’idée d’utiliser des protéines issues de ces animaux pour sauver des vies.

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Des protéines pour ralentir le métabolisme

Dans leur étude publiée en mars 2024 dans la revue Protein Science, les scientifiques expliquent avoir réussi à introduire des protéines de tardigrade dans des cellules humaines. Dans un communiqué, la Dre Silvia Sanchez-Martinez, « étonnamment, lorsque nous introduisons ces protéines dans les cellules humaines, elles se gélifient et ralentissent le métabolisme, tout comme chez les tardigrades. De plus, tout comme les tardigrades, lorsque vous mettez des cellules humaines qui contiennent ces protéines en biostase, elles deviennent plus résistantes au stress ». En bref, l’utilisation de ces protéines a permis de conférer aux cellules humaines des capacités propres à ces créatures ultra-résilientes.

Toutefois, les scientifiques se réjouissent surtout d’avoir découvert que ce processus est réversible. Ainsi que l’affirme le Pr Thomas Boothby, « lorsque le stress est soulagé, les gels tardigrades se dissolvent et les cellules humaines reprennent leur métabolisme normal ».

À quoi ces recherches sur les tardigrades servent-elles ?

Les scientifiques estiment que « ces résultats ouvrent la voie à la poursuite de technologies centrées sur l’induction de la biostase dans les cellules et même dans des organismes entiers pour ralentir le vieillissement et améliorer le stockage et la stabilité [des cellules, NDLR] ». Ces protéines pourraient en effet notamment permettre une conservation optimale des organes vitaux ainsi que des produits biologiques dans le cas où une réfrigération est inenvisageable. Cela pourrait aussi, et surtout, améliorer le stockage des matériaux fragiles utilisés dans le cadre des thérapies cellulaires, à commencer par les cellules souches. Par ailleurs, cette équipe avait déjà envisagé par le passé l’utilisation de ces protéines pour stabiliser le facteur antihémophilique A (dit aussi facteur VIII) utilisé pour traiter l’hémophilie sans réfrigération.

Et bien sûr, dans un futur lointain et après de plus amples recherches, ils pensent aussi qu’une partie de cette résilience pourrait s’appliquer directement à nos cellules et tissus afin de ralentir le vieillissement chez l’Homme.

Julie Durand

Rédigé par Julie Durand

Autrefois enseignante, j'aime toujours autant partager mes connaissances et mes passions avec les autres. Je suis notamment passionnée par la nature et les technologies, mais aussi intriguée par les mystères nichés dans notre Univers. Ce sont donc des thèmes que j'ai plaisir à explorer sur Sciencepost à travers les articles que je rédige, mais aussi ceux que je corrige.