Si vous pouviez effacer vos mauvais souvenirs le feriez-vous?

Crédits : DasWortgewand / Pixabay

Oublier ou modifier des souvenirs est la nouvelle quête des scientifiques. Pour cela plusieurs études ont été menées ces dernières années. Certaines se sont penchées sur les amygdales qui créent les souvenirs et d’autres sur l’hippocampe qui les fortifie et les transmet. Les chercheurs ont cheminé vers différentes voix, de l’électrochoc aux différentes pilules.

Avant de présenter les différentes techniques étudiées, attardons-nous sur la formation des souvenirs. Le principe ressemble un peu à celui d’un ordinateur : il faut d’abord créer un fichier et l’enregistrer pour pouvoir le consulter par la suite. Pour un souvenir, il faut déjà l’avoir vécu, le mémoriser et y revenir ensuite. Plus on ouvre un fichier, plus il est facile à retrouver (il suffit de regarder l’historique ou les fichiers récemment ouverts), il est de même pour les souvenirs, plus on les sollicite, plus les liens vers ce souvenir seront « forts ». On s’en souviendra ainsi plus facilement.

L’électrochoc remis au gout du jour

Cette technique existe depuis de nombreuses années : en 1968 la mémoire d’un rat a été partiellement effacée. En 2013, les scientifiques néerlandais ont expérimenté cette technique sur 42 volontaires atteints de dépression. Les électrochocs étaient sous anesthésie générale et sous relaxant musculaire. Le but de l’expérience est l’oubli de souvenirs émotionnels récents.

Son principe est le suivant. Les volontaires ont regardé deux diaporamas marquants. Une semaine après, l’un des deux diaporamas leur a été montré de nouveau. Le groupe témoin qui n’a pas eu d’électrochocs s’est souvenu des deux diaporamas. Le 1er groupe a reçu des électrochocs justes après le visionnage et a été interrogé le lendemain. Les membres ne se souvenaient que du diaporama vu une seule fois. Quant au deuxième groupe, il a reçu les mêmes électrochocs, mais a été interrogé 90 minutes après. Bien qu’il se soit souvenu des deux diaporamas, le diaporama vu avant l’électrochoc restait plus flou.

L’électrochoc est une technique efficace si on respecte un timing précis, mais elle est aussi assez agressive donc pas forcement adaptée à tous. De plus, ce procédé n’a été testé que dans un cas très précis, il faut voir s’il peut s’appliquer aux souvenirs plus anciens ou plus personnels. (lien)

Des médicaments contre les marqueurs de stress sur l’ADN

L’ADN peut être marqué à cause de traumatismes par des traces épigénétiques (marqueurs ADN). Les traces laissées ralentissent la progression des thérapies, c’est pourquoi les scientifiques s’y sont intéressés. Ils ont essayé le HDACI (Histone Deacetylase Inhibitors) un médicament contre le cancer connu pour faire disparaître ces marqueurs.

L’expérience sur les rongeurs a été concluante, ce médicament associé à une thérapie comportementale a permis d’enlever durablement le traumatisme. Ce médicament est cependant sans effet s’il n’est pas accompagné d’une thérapie et il n’en est encore qu’aux essais cliniques.(lien)

La modification de souvenir

Les scientifiques ont trouvé des procédés efficaces pour modifier nos rapports aux souvenirs. Il existe deux grands chemins : la manipulation psychologique ou les médicaments.

Pour le 1er point, plusieurs expériences ont été réalisées. Toutes consistent à associer un bon moment aux mauvais souvenirs. Des souris traumatisées par des chocs électriques se sont vu autoriser à jouer avec des femelles pendant que les scientifiques réactivaient artificiellement les souvenirs du traumatisme. Grâce à cela, la mémoire du choc a été associée aux neurones générant du plaisir. Le rapport au souvenir n’est plus traumatisant. (lien)

Pour le deuxième point, il existe plusieurs médicaments. Le premier est un médicament contre la sclérose en plaques, le fingolimod. Il a été testé sur des souris: certaines avaient un placebo, les autres le médicament. Toutes ont subi la même expérience: dans une cage, elles ont reçu des décharges. Lorsque les scientifiques les remettaient dans cette cage, les souris avec le placebo s’immobilisaient complètement alors que les autres se figeaient puis continuaient leur vie normalement. Ce médicament est déjà utilisé pour soigner les scléroses donc pourrait être utilisé sur l’homme, mais les effets secondaires sont lourds (problèmes pulmonaires, cardiaques et immunitaires). (lien)

Le deuxième médicament ou plutôt la deuxième molécule est le BDNF (brain-derived neutrophic factor). C’est un composé déjà produit par le corps qui intervient dans la mémoire émotionnelle (cortex préfrontal).

« Il suffirait donc de stimuler sa production par le cerveau humain pour aider les personnes traumatisées à oublier leurs mauvais souvenirs » a déclaré Gregory Quirk, coauteur de l’étude.

Il existe déjà des médicaments qui augmentent le taux de BDNF, mais ils ont le désavantage de rendre plus sensible aux émotions. Dans le cadre d’un traitement contre la dépression ou le stress post-traumatique, ce serait donc peu utile. (lien)

Toutes ces techniques posent des problèmes moraux. Elles pourraient bien évidemment aider les personnes atteintes de stress post-traumatique, mais elles pourraient être utilisées autrement : toutes les dérives liées aux crimes, modifier les souvenirs d’un témoin ou manipuler des personnes importantes par ses souvenirs … Ce procédé soulève aussi plusieurs questions s’il devient accessible à tous : voulons-nous vraiment voir nos souvenirs disparaitre ? N’est-ce pas l’intégralité de nos souvenirs qui font ce que nous sommes ? Ne serait-ce pas trop simple de juste oublier nos erreurs, les petits malheurs ? .. Et puis « avec le temps, tous les souvenirs ne sontils pas bons ? » (wazabi)

 sources : Maxiciences;  Futura-Sciences; Santé magazine; Lefigaro