United Launch Alliance ULA
Une vue rapporchée du lancement de Perseverance par une fusée Atlas V de United Launch Alliance (ULA). Crédits : NASA/Joel Kowsky

Pourquoi privilégier les lancements de fusées près de l’équateur ?

Le secteur de l’aérospatial ne s’est jamais aussi bien porté, du moins pour certains acteurs. En effet, on lance aujourd’hui plus de fusées dans l’espace que jamais auparavant. Vous remarquerez alors que la plupart de ces véhicules décollent depuis des rampes de lancement relativement proches de l’équateur terrestre. Comment l’expliquer ?

Le Centre spatial guyanais est un exemple. Utilisée pour les lancements de satellites commerciaux et scientifiques, ainsi que pour les missions de l’Agence spatiale européenne, cette base est en effet située à Kourou, en Guyane française, à une latitude de seulement 5°N. Le centre spatial Kennedy, située sur la côte est de la Floride, et le centre spatial de Baïkonour, au Kazakhstan, qui est utilisé pour les lancements de fusées russes, sont d’autres exemples.

Ces deux derniers sont naturellement plus éloignés de l’équateur que le centre guyanais, mais le choix d’un site de lancement dépend également d’autres facteurs, tels que les contraintes géographiques ou les considérations politiques. Le point à retenir est qu’ils sont aussi proches que possible de l’équateur.

Cela étant dit, l’une des contraintes les plus importantes à prendre en compte lors d’un lancement de fusée est la masse de cette dernière. La masse d’un lanceur intelligemment pensé se compose à environ 85% de carburant. Tout le reste, de la structure de la fusée à la charge utile qui la surmonte (appelée collectivement la « masse sèche »), ne représente ainsi en général que 15 % de la masse totale sur la rampe de lancement. Le facteur « carburant » est donc essentiel. Or, le carburant coûte cher (selon les types). Par ailleurs, moins il y a de carburant à embarquer et plus il est possible d’intégrer des charges utiles.

Pour résumer, il est dans l’intérêt des opérateurs de fusée d’utiliser le moins de carburant possible pour atteindre l’orbite, d’où l’idée de se rapprocher le plus possible de l’équateur terrestre.

Rotation terrestre

Le fait d’être au plus proche de l’équateur terrestre permet de bénéficier d’une vitesse de rotation de la Terre plus élevée. Rappelons que la Terre tourne sur elle-même d’ouest en est à une vitesse d’environ 1 670 kilomètres par heure à l’équateur, tandis que cette vitesse diminue progressivement en se rapprochant des pôles. Une fusée lancée depuis une base située à proximité de l’équateur bénéficie donc d’une vitesse de rotation plus élevée, ce qui lui permet de gagner de l’énergie cinétique. Cette énergie supplémentaire permet alors de consommer moins de carburant pour atteindre une orbite donnée ou bien de placer des charges plus importantes.

Prenons l’exemple suivant : pour mettre un satellite en orbite à 300 km d’altitude, une fusée doit atteindre une vitesse de quasiment 8 000 mètres par seconde. Or, à l’équateur, on est déjà en mouvement à presque 500 mètres par seconde (environ 1 650 km/h) par rapport au centre de la terre. Autrement dit, vous n’avez besoin que d’une quantité de carburant permettant d’atteindre une vitesse de 7 500 mètres par seconde, et non plus plus de 8 000 mètres par seconde.

Par ailleurs, lancer une fusée près de l’équateur permet de profiter d’un champ gravitationnel terrestre légèrement moins intense à cette latitude, ce qui facilite également la mise en orbite. Enfin, notez que beaucoup de satellites sont envoyés dans l’espace sont sur une orbite géostationnaire. Or, cette orbite passe par un plan qui se situe au-dessus de l’équateur. En tirant depuis une zone proche de l’équateur, le trajet pour atteindre l’orbite souhaitée est donc plus court.

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Une fusée Falcon 9 décolle de cap Canaveral (Floride) le mardi 6 octobre 2020. Crédits : SpaceX

Tout dépend de la mission

Cependant, encore une fois, ce n’est pas une règle absolue. Certains préfèrent en effet lancer leurs fusées plus près des pôles. Cela dépend essentiellement des contraintes techniques de la mission. Par exemple, certains ont besoin de placer des satellites sur des orbites polaires. Ces derniers passeront alors au-dessus des pôles de la Terre lors de chaque orbite dans le but d’analyser des zones spécifiques du globe à des fins de surveillance ou de cartographie.

Si vous devez placer des satellites en orbite polaire, alors il est cette fois préférable d’utiliser une rampe de lancement situé le plus au nord possible. En effet, des fusées destinées à des orbites polaires doivent se diriger dans la direction opposée à la rotation de la Terre. Cela nécessite une certaine quantité d’énergie supplémentaire pour annuler cette vitesse de rotation. En étant lancée près d’un pôle, une fusée peut alors bénéficier d’un avantage en termes d’énergie cinétique, car la vitesse de rotation de la Terre est plus faible qu’à l’équateur.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.