Récemment, le lancement des satellites chinois Qianfan a provoqué des vagues d’inquiétude au sein de la communauté astronomique. Avec leur luminosité exceptionnelle, ces satellites, qui font partie d’une mégaconstellation de communication, soulèvent des questions sur leur impact sur l’observation du ciel nocturne.
Une nouvelle constellation
Ce projet ambitieux, lancé par Shanghai Spacecom Satellite Technology (SSST), vise à rivaliser avec les célèbres satellites Starlink de SpaceX. L’objectif est de fournir des services d’Internet à haut débit en Chine et potentiellement dans d’autres régions du monde, en particulier dans les zones rurales ou éloignées où l’infrastructure terrestre est limitée. La société espère en déployer au moins 15 000 d’ici 2030.
Le premier lot de satellites Qianfan a été lancé le 6 août 2023, avec un total de 18 satellites déployés en orbite terrestre basse (LEO), à environ 550 km d’altitude, grâce à une fusée Longue Marche 6A.
Notez que ce lancement a également conduit à des complications, car le deuxième étage de la fusée s’est brisé, dispersant plus de 300 morceaux de débris spatiaux en orbite. Ces derniers représentent un risque accru pour d’autres satellites et missions spatiales. Ils mettent également en lumière les défis liés à la gestion des déchets en orbite.
Une luminosité inattendue
Les premiers résultats ont révélé que la luminosité de ces satellites est bien plus élevée que prévu. Lorsqu’ils se trouvent directement au-dessus d’un observateur, leur magnitude apparente atteint 4, ce qui les rend aussi brillants que de nombreuses étoiles visibles depuis les zones urbaines. Au niveau de l’horizon, leur luminosité diminuerait ensuite fortement.
Pour des satellites de communication en orbite terrestre basse (LEO), on s’attend généralement à une magnitude apparente comprise entre 6 et 8. Pour rappel, une magnitude de 6 est la limite de détection pour la plupart des astronomes amateurs dans des conditions de ciel pollué par la lumière.
Cette intensité lumineuse suscite naturellement des inquiétudes parmi les astronomes, tant amateurs que professionnels. Les satellites supplémentaires de la constellation, qui seront lancés à des altitudes encore plus basses, pourraient en effet être jusqu’à deux fois plus brillants, exacerbant ainsi la pollution lumineuse du ciel nocturne et perturbant les activités d’observation céleste.
Au-delà de leur impact visuel, les satellites Qianfan pourraient également perturber la radioastronomie. En effet, les satellites de communication émettent des signaux radio pour transmettre des données. Or, les instruments de radioastronomie sont conçus pour capter des signaux très faibles provenant de sources astronomiques. Le bruit de fond causé par des satellites en orbite peut donc masquer ces signaux, rendant l’observation plus difficile.

Vers une solution ?
Pour atténuer les effets de la luminosité des satellites de communication, des solutions existent. Par exemple, l’utilisation de miroirs intégrés permet de réduire la quantité de lumière réfléchie. Cette approche est déjà adoptée par SpaceX pour ses machines de deuxième génération.
En orientant les panneaux solaires des satellites de manière à ce qu’ils ne reflètent pas directement la lumière du soleil vers la Terre, on peut également réduire leur luminosité apparente. Cela nécessite une conception réfléchie des systèmes d’alimentation des satellites.
Enfin, les opérateurs de satellites peuvent choisir des périodes de lancement et des configurations orbitales qui minimisent le chevauchement avec les horaires d’observation astronomique. Cela pourrait inclure des trajectoires spécifiques qui évitent les zones clés d’observation.
Cependant, la communication avec les responsables chinois sur de possibles ajustements de conception semble limitée, ce qui complique les efforts pour réduire l’impact des Qianfan sur l’astronomie.
Un défi pour l’avenir de l’astronomie
Face à ces défis croissants, les astronomes et les organismes internationaux appellent à une régulation plus stricte de l’implantation des mégaconstellations en orbite terrestre basse. L’Union Astronomique Internationale (IAU) milite pour l’adoption de normes globales limitant la luminosité des satellites et leur densité dans des orbites critiques pour les observations scientifiques. Par ailleurs, des initiatives émergent pour sensibiliser les gouvernements et les acteurs privés à l’importance de préserver l’intégrité du ciel nocturne, considéré comme un patrimoine commun de l’humanité. Ces efforts soulignent la nécessité d’un équilibre entre l’innovation technologique et la préservation des ressources célestes, qui jouent un rôle crucial dans la recherche scientifique et la contemplation humaine.
