spacex super heavy starship
Crédits : SpaceX

Pourquoi SpaceX ne fait pas atterrir le Super Heavy comme les boosters Falcon

Début octobre, SpaceX a de nouveau marqué l’histoire de l’aérospatial en récupérant son booster Super Heavy pour la première fois avec les bras de sa tour Mechazilla. Le choix de réceptionner le véhicule de cette manière représente une innovation audacieuse dans la réutilisation des lanceurs spatiaux. Habituellement, SpaceX fait en effet atterrir ses boosters de Falcon 9 et Falcon Heavy sur le sol ou sur des barges en mer. Mais alors, pourquoi avoir opté pour cette stratégie ?

Une réutilisation plus rapide et plus efficace

Contrairement à la méthode utilisée pour les boosters Falcon 9 qui se posent en douceur sur des barges flottantes ou sur des plateformes terrestres, le retour des premiers étages de la fusée Starship implique une récupération directement sur la tour de lancement grâce à deux énormes bras articulés conçus pour attraper le booster en vol.

L’une des principales raisons pour lesquelles SpaceX a opté pour cette manœuvre réside dans le gain de temps et d’efficacité. En capturant le Super Heavy directement sur la tour de lancement, la société élimine en effet la nécessité de transporter le booster de sa zone d’atterrissage à la rampe de lancement pour une nouvelle mission. Cette approche s’inscrit dans la vision de SpaceX de rendre ses lanceurs non seulement réutilisables, mais aussi rapidement réutilisables avec un minimum d’interventions entre les vols.

Elon Musk a en effet souvent évoqué l’objectif de préparer un booster pour un nouveau lancement dans un délai aussi court que quelques heures ou jours après sa récupération. En comparaison, la récupération des boosters Falcon 9 demande plus de temps, surtout lorsqu’ils atterrissent en mer et doivent être ramenés sur terre, inspectés, réparés et préparés pour une nouvelle mission. Le système Mechazilla est donc conçu pour maximiser l’efficacité opérationnelle, ce qui est essentiel pour les ambitions de SpaceX en matière de vols spatiaux fréquents et à grande échelle.

En outre, le fait de récupérer un booster avec la Mechazilla simplifie également la conception des fusées en évitant les coûts supplémentaires liés à des systèmes de jambes d’atterrissage et en réduisant l’usure des composants lors de l’atterrissage. La tour peut capter le booster en plein vol et le stabiliser en douceur, ce qui minimise ainsi les risques de dommages. Cela se traduit par moins de maintenance et de réparations nécessaires entre les vols, et donc par une réduction des coûts à long terme.

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Crédit : SpaceX

Une énorme différence de masse

Une autre raison essentielle d’utiliser cette technique est que le booster Super Heavy est nettement plus massif que celui du Falcon 9, et donc plus complexe à gérer lors de la phase d’atterrissage. À titre de comparaison, le premier étage du Falcon 9 pèse environ 22 tonnes lorsqu’il revient pour atterrir, tandis que le booster Super Heavy pèsera environ 200 tonnes.

Le poids et la taille de ce booster (70 mètres) nécessitent donc des solutions robustes pour assurer une récupération sûre. Si le Falcon 9 utilise des jambes d’atterrissage rétractables pour se poser, ce type de dispositif serait en effet beaucoup plus lourd et complexe sur le Super Heavy.

En outre, pour un booster de cette taille, ajouter des jambes d’atterrissage augmenterait la masse globale et entraînerait une réduction de la charge utile, ce qui irait à l’encontre de l’objectif de transporter des charges plus lourdes en orbite. En supprimant ces jambes et en optant pour une récupération grâce à la tour Mechazilla, SpaceX réduit donc la masse du booster, ce qui permet d’optimiser les performances et de transporter plus de marchandises ou de passagers dans l’espace.

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Crédits : SpaceX

Un défi d’ingénierie et de précision pour SpaceX

Naturellement, récupérer le booster Super Heavy avec la tour Mechazilla représente également un défi d’ingénierie et de précision inégalé dans l’industrie spatiale. Le succès de cette manœuvre permet à SpaceX de repousser les limites de la réutilisation.

Ce système de récupération repose sur une coordination avancée entre le guidage précis du booster et les capteurs de la tour. Concrètement, le booster utilise des capteurs inertiels, des GPS et des ailerons de contrôle (grid fins) pour ajuster sa trajectoire durant la descente, tandis que des capteurs LiDAR, des radars et des caméras sur la tour suivent sa position en temps réel. Les bras mobiles de la tour, surnommés chopsticks, se déplacent et s’ajustent en fonction des informations reçues des capteurs. Leur rôle est d’attraper le booster à un moment précis, ce qui nécessite une synchronisation millimétrique entre le mouvement du booster et celui des bras.

Enfin, un logiciel de contrôle centralise toutes les données des capteurs pour ajuster la trajectoire du booster et la position des bras, ce qui garantit ainsi une capture réussie. Cette méthode innovante permet de réutiliser les boosters de manière plus efficace qu’un atterrissage traditionnel en réduisant l’usure et en optimisant les opérations.

Cette prouesse technologique est une démonstration de l’innovation et de l’audace qui ont toujours été au cœur de l’approche de SpaceX. Si cette méthode se révèle efficace à grande échelle, elle pourrait devenir un nouveau standard dans l’industrie spatiale, ce qui marquerait au passage un autre tournant dans la manière dont les fusées sont récupérées et réutilisées.

Un pas de plus vers la colonisation spatiale

La récupération réussie du booster Super Heavy avec la tour Mechazilla ne représente pas seulement une avancée technique, mais également une étape clé dans la vision de SpaceX pour l’exploration spatiale à long terme. En rendant les lancements plus économiques et plus fréquents, cette méthode pave la voie pour des missions ambitieuses telles que l’installation de bases sur la Lune ou sur Mars. En effet, la rapidité de remise en service des lanceurs pourrait permettre de multiplier les vols nécessaires à l’acheminement de matériel, de provisions et d’équipages. Cet aspect est crucial dans la perspective de coloniser d’autres corps célestes, où l’efficacité et la fiabilité des systèmes de transport spatial seront des facteurs déterminants pour assurer le succès des opérations.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.