Pourquoi ces mamans orques investissent-elles autant dans leurs fils ?

orques
Crédit : Kenneth C. Balcomb

Chez les orques résidentes du sud, une population menacée, les mères attrapent et découpent le saumon pour leurs fils, souvent plus imposants. Dans une étude publiée mercredi dans Current Biology, des chercheurs ont découvert que soutien sans faille entraîne un coût reproductif énorme pour les femelles.

Des orques mâles dépendants de leur mère

Les orques sont présentes dans tous les océans du monde, mais vivent dans des populations bien établies, chacune ayant son territoire, son dialecte et ses coutumes de chasse. Au large de la Colombie-Britannique de l’État de Washington et de l’Oregon se trouvent les Résidentes du sud. Ce groupe menacé, qui ne compte plus que 73 membres, se nourrit principalement de saumons. Or, ces proies sont malheureusement de plus en plus difficiles à trouver à cause de multiples cours d’eau détournés par des barrages.

Ces orques résidentes du sud forment une grande famille composée de trois pods : J, K et L. Au sein de chaque groupe, les familles se divisent en sous-groupes centrés sur les femelles âgées. Ces dernières, ménopausées au milieu de leur vie, sont généralement des grands-mères ou des arrière-grands-mères.

Une étude de 2012 sur les Résidentes du sud, ainsi que sur leurs voisines, celle du nord, avait montré que la présence de mères plus âgées aidait la progéniture adulte à rester en vie, en particulier les fils. En effet, les mâles de plus de 30 ans étaient huit fois plus susceptibles de mourir dans l’année suivant le décès de leur propre mère.

Ces mâles sont donc entièrement dépendants de leur mère, même à l’âge adulte. Ils sont même directement nourris à ces dernières. Les femelles plongent, attrapent un saumon et le ramènent en surface dans un coin de leur gueule. Elles secouent alors la tête pour couper le saumon en deux et bien souvent, l’un des fils n’est jamais très loin pour récupérer la moitié du butin.

D’après les spécialistes, un mâle adulte pourrait être tout simplement trop volumineux pour chasser facilement un saumon en fuite. En revanche, les femelles âgées, plus petites, plus fines et plus expérimentées, excellent davantage dans ce domaine. Cependant, ce comportement peut s’expliquer pour une autre raison.

Une stratégie menacée

Chez les espèces prosociales, les parents sacrifient souvent leur propre succès reproducteur futur pour stimuler la survie de leur progéniture jusqu’à l’âge adulte et parfois au-delà. On appelle cela l’investissement parental. Cependant, on ne sait pas bien si ces soins prolongés ont un coût reproductif pour les mères. En ce qui concerne les orques, des chercheurs ont tenté de le savoir en examinant près de quatre décennies de données de recensement sur les mères en âge de procréer et leurs familles. Ces données ont révélé que les mères avec un fils vivant étaient environ deux fois moins susceptibles de se reproduire chaque année, par rapport aux mères avec une fille ou sans progéniture. L’effet est donc énorme.

Cependant, il s’avère que si une femelle de l’une de ces populations peut avoir quatre ou cinq descendants dans sa vie, un mâle a le potentiel d’engendrer une vingtaine de petits ou plus. Ainsi, même avant d’atteindre la ménopause, une mère peut avoir le plus grand succès évolutif en investissant dans ses fils, d’où les comportements observés.

Toutefois, ce qui fonctionnait le mieux historiquement n’aide peut-être pas les orques aujourd’hui. En effet, cette stratégie aurait évolué à une époque où les conditions de vie étaient plus favorables, avec un meilleur accès à la nourriture. Les mères mieux nourries n’auraient peut-être pas payé un prix aussi élevé pour partager leurs saumons. Alors que les résidentes du sud sont désormais confrontées à une pénurie de proies, ainsi qu’à d’autres menaces, leur population en déclin pourrait être encore plus précaire, car les mères sacrifient leur propre reproduction en nourrissant leurs fils.