Crédits : Duralex

Pourquoi les verres Duralex sont (presque) incassables : la science d’un objet culte qui a besoin de vous

Ils ont traversé les cantines, survécu aux mains des enfants et marqué des générations entières. Les verres Duralex, avec leur numéro mystérieux gravé au fond et leur résistance légendaire, font partie du patrimoine français au même titre que le béret ou la marinière. Mais alors que l’entreprise lance un appel aux citoyens pour financer son redressement, il est temps de comprendre ce qui rend ces gobelets si extraordinaires. Derrière leur apparente simplicité se cache une prouesse scientifique née dans les années 1940 et toujours inégalée aujourd’hui.

Un processus thermique qui défie les lois du verre ordinaire

La magie du verre Duralex réside dans un procédé appelé trempe thermique, une technique mise au point dans les années 1940 par Saint-Gobain. Le processus commence par le chauffage du verre à environ 700 degrés Celsius, avant de le refroidir brutalement par ventilation d’air froid. Cette transition thermique radicale modifie fondamentalement la structure moléculaire du matériau.

Lorsque la surface extérieure du verre se refroidit instantanément, l’intérieur continue de refroidir plus lentement. Cette différence de vitesse crée une tension interne contrôlée au cœur du matériau. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette contrainte n’est pas une faiblesse mais un atout majeur. Elle confère au verre une structure compressée en surface et sous tension à l’intérieur, comme un ressort maintenu en équilibre.

Le résultat est spectaculaire : le verre trempé Duralex devient 2,5 fois plus résistant qu’un verre ordinaire. Il peut supporter des chocs mécaniques importants et, surtout, résister à des variations de température allant jusqu’à 130 degrés Celsius. Vous pouvez ainsi le sortir du congélateur et le placer directement au micro-ondes sans risque d’éclatement.

Une composition française qui fait la différence

La recette du verre Duralex repose sur un ingrédient secret : le sable de Fontainebleau, utilisé depuis les origines pour sa finesse exceptionnelle qui apporte transparence et pureté au produit fini. Ce sable est mélangé avec du carbonate de soude, du calcaire et jusqu’à 40% de verre recyclé provenant des rebuts de production.

Les proportions exactes et les températures précises restent jalousement gardées par l’entreprise. Chaque jour, un camion livre 30 tonnes de sable à l’usine de La Chapelle-Saint-Mesmin, près d’Orléans, où le four de 54 mètres carrés tourne en continu pour transformer cette matière première en objets mythiques. La production atteint cent verres par minute lorsque l’usine fonctionne à plein régime.

Une sécurité pensée dès la conception

Si le verre Duralex venait malgré tout à se briser, il ne se comporterait pas comme un verre ordinaire. Grâce à sa structure sous tension, il éclate en une multitude de petits morceaux non coupants plutôt qu’en quelques tessons tranchants et dangereux. Cette propriété, également exploitée pour les pare-brises automobiles, a grandement contribué au succès de la marque dans les cantines scolaires.

Le verre Duralex répond aux normes les plus strictes, notamment la norme européenne EN 1183 relative au choc thermique. Sa surface lisse et non poreuse empêche les bactéries de se loger et de proliférer, garantissant une hygiène optimale. Il ne retient ni les odeurs ni les taches et résiste parfaitement à la corrosion, ce qui explique pourquoi certains exemplaires se transmettent de génération en génération.

Duralex
Source: DR
Crédits : Duralex

De la cantine au Museum of Modern Art

Le gobelet Picardie, créé en 1954 avec ses neuf facettes reconnaissables, incarne à l’international le gobelet français par excellence. Il a fait des apparitions remarquées au cinéma, notamment dans Skyfall où James Bond y déguste un whisky Macallan. Les verres Duralex sont aujourd’hui vendus à la boutique du Centre Pompidou et exposés au MoMa de New York, consacrant leur statut d’icône du design.

Le nom même de la marque témoigne de ses ambitions. Duralex vient de l’expression latine « Dura lex sed lex », signifiant « la loi est dure mais c’est la loi ». Un clin d’œil à la solidité légendaire de ces verres qui ont équipé les cantines françaises pendant des décennies et continuent d’exporter leur savoir-faire dans le monde entier.

Une entreprise qui a besoin d’un second souffle

Reprise par ses salariés en société coopérative en juillet 2024 après un placement en redressement judiciaire, Duralex lance depuis le 3 novembre une levée de fonds participative visant à collecter cinq millions d’euros. Les Français peuvent investir à partir de 100 euros via des titres participatifs offrant un rendement de 8% par an pendant sept ans, avec une réduction d’impôt de 18%.

François Marciano, directeur général de la SCOP, explique que l’entreprise vise un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros en 2025, mais doit atteindre 35 millions pour retrouver l’équilibre. Les fonds serviront à moderniser les machines, développer de nouvelles collections et financer une ligne de production de pots de moutarde en partenariat avec Martin-Pouret, autre entreprise emblématique du Loiret.

La campagne de souscription est ouverte jusqu’au 15 novembre et pourra être prolongée jusqu’au 15 décembre si l’objectif n’est pas atteint. L’enjeu dépasse la simple question économique : il s’agit de préserver 243 emplois et un savoir-faire industriel unique en France. Comme le reconnaît François Marciano, l’investissement comporte des risques, mais c’est aussi l’occasion pour les citoyens de participer activement au sauvetage d’un pan du patrimoine industriel français.

Derrière chaque verre Duralex se cache donc bien plus qu’un simple objet du quotidien. C’est une prouesse scientifique, un symbole culturel et désormais un défi collectif pour préserver un savoir-faire centenaire face aux défis économiques contemporains.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.