Le deuil est un processus émotionnel et psychologique traversé après la perte d’un être cher. Tout le monde y sera confronté un jour. Le processus comprend généralement plusieurs étapes, notamment le choc, le déni, la colère, la tristesse, la négociation, l’acceptation et la reconstruction. Ces phases peuvent se chevaucher ou être traversées plusieurs fois avant de sortir du tunnel. Mais plus concrètement, que se passe-t-il dans notre cerveau endeuillé ?
Une menace à la survie
Fatigue, insomnie, appétit diminué ou augmenté, tristesse, confusion, colère, anxiété ou encore dépression… chaque personne réagit différemment au deuil. Le soutien social, la thérapie et la pratique de soins personnels peuvent aider à surmonter ce type d’épreuve et à progresser vers la guérison. Cependant, le processus de deuil prend souvent beaucoup de temps, temps pour notre cerveau de se reconstruire.
Il reste encore beaucoup à apprendre sur le deuil. Et pour cause, il est en effet difficile de demander à une personne concernée de se rendre dans un centre d’imagerie sur plusieurs mois dans le but d’analyser les changements en cours dans le fonctionnement du cerveau. Malgré tout, certains aspects sont relativement bien compris.
La Dre Lisa M. Shulman, neurologue à la faculté de médecine de l’Université du Maryland, explique en effet que notre cerveau perçoit la perte traumatique comme une menace. D’un point de vue évolutif, notre cerveau s’est selon elle développé pour préserver notre survie. Ainsi, tout ce qui est perçu comme une potentielle atteinte à cette survie déclenche une réponse qui a des répercussions sur de nombreuses régions du corps. « Nous sommes habitués à considérer les traumatismes physiques comme une menace, mais les traumatismes émotionnels graves ont des effets similaires« , note la spécialiste à Livescience.
Concrètement, notre cerveau ne fait pas de distinction entre différentes menaces perçues. Qu’il s’agisse d’un deuil, d’une perte d’emploi, d’un divorce ou d’une autre situation similaire, il enclenche une réaction par défaut. « L’amygdale, profondément à l’intérieur de la partie primitive du cerveau, est toujours à l’affût des menaces« , explique la chercheuse. « Lorsqu’il est déclenché, il déclenche une cascade d’événements qui mettent tout le corps en état d’alerte : le cœur s’accélère, le rythme respiratoire augmente et la circulation sanguine est augmentée vers les muscles pour se préparer à se battre ou à fuir. »
Dans le cas du deuil, les jours, les semaines et les mois suivants le traumatisme sont remplis de rappels qui déclenchent cette réponse. Durant cette période de troubles, le cerveau primitif prend alors le pas sur le cerveau avancé, siège du jugement et du raisonnement. Les sentiments de déni ou de dissociation, souvent ressentis en période de deuil, ne sont alors que des mécanismes de défense psychologiques visant à lutter contre ces rappels incessants de la perte d’un être cher.

Ce n’est pas permanent
Naturellement, le traumatisme émotionnel du deuil entraîne de profonds changements dans la fonction cérébrale en raison du stress répétitif de la réponse de combat ou de fuite, du fait de la neuroplasticité de notre cerveau. Ces changements sont durables, mais peuvent être inversés par la thérapie et la croissance post-traumatique. Ce concept décrit le phénomène par lequel une personne, après avoir subi un événement traumatique, connaît des changements positifs et des améliorations dans divers aspects de sa vie, tels que l’estime de soi, la perception de la vie, les relations interpersonnelles, la créativité et la spiritualité.
Ce concept est souvent associé à la résilience, qui se réfère à la capacité de s’adapter à l’adversité et de se remettre d’un traumatisme. La croissance post-traumatique va au-delà de la simple récupération. Elle implique une transformation personnelle en réponse à un événement traumatique. Ce « renouveau » se matérialise dans le cerveau. Au fur et à mesure que nous guérissons, celui-ci forme en effet de nouvelles connexions neuronales qui compensent le traumatisme. Ainsi, les symptômes du deuil peuvent durer très longtemps, certes, mais ce n’est généralement pas permanent.
« Je vois notre cerveau comme un ordinateur qui met à jour un lourd programme en arrière-plan. Il peut alors être très difficile de taper un simple document Word », détaille Mary-Frances O’Connor, professeur agrégé de psychologie clinique et de psychiatrie à l’Université de l’Arizona. « Je pense que le cerveau est similaire. En période de deuil, nous sommes distraits quand nous essayons de faire des tâches simples dans la vie et encore plus quand nous essayons de faire des choses compliquées« . Cette distraction et cette difficulté à se concentrer disparaissent ensuite généralement avec le temps.
