ondes gravitationelles
Crédits : Aurore Simonnet pour la Collaboration NANOGrav

Pourquoi la détection de ces ondes gravitationnelles excite autant les chercheurs

En 2023, quatre équipes distinctes ont fait une annonce qui promet de bouleverser l’astrophysique. Elles ont en effet identifié pour la première fois des ondes gravitationnelles monstrueuses. Quelles sont les implications d’une telle découverte ?

Des ondes à basse fréquence

Prédites par la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein en 1915 et détectées pour la première fois en 2015, les ondes gravitationnelles sont des ondulations dans le tissu de l’espace-temps générées lors de grands événements cosmiques, tels que la fusion de trous noirs ou d’étoiles à neutrons. À l’inverse des autres types d’ondes, comme les ondes sonores ou les ondes électromagnétiques, elles sont une manifestation de la courbure de l’espace-temps lui-même et propagent dans toutes les directions, s’étirant et comprimant l’espace-temps dans leur passage.

Notez également que les ondes gravitationnelles, comme le rayonnement électromagnétique, se présentent dans une gamme de fréquences. Celles à haute fréquence ont des longueurs d’onde plus courtes et sont plus énergétiques. À l’inverse, celles à basse fréquence ont des longueurs d’onde plus longues et sont moins énergétiques. Ces dernières ont également de longues périodes (temps entre les « pics » de chaque ondulation).

La découverte annoncée par l’Observatoire nord-américain des nanohertz pour les ondes gravitationnelles (NANOGrav) le mercredi 28 juin marque la première détection d’ondes gravitationnelles à basse fréquence. Les chercheurs pensent qu’elles pourraient avoir été libérées par des centaines de milliers, voire de millions de binaires de trous noirs supermassifs existant dans l’univers primitif.

einstein telescope ondes gravitationnelles
Deux trous noirs prêts à fusionner génèrent des ondes gravitationnelles. Crédits : NASA

Un « bruit de fond » quasi imperceptible

Les ondes gravitationnelles que LIGO et d’autres détecteurs au sol peuvent capter ont des longueurs d’onde de quelques milliers de kilomètres (à peu près la taille de la Terre) avec des périodes allant de quelques millisecondes à plusieurs secondes. Le futur détecteur d’ondes gravitationnelles LISA, qui sera basé dans l’espace, couvrira des longueurs d’onde de la taille de millions à des milliards de kilomètres. Les périodes de ces ondes gravitationnelles durent de quelques secondes à quelques heures. Ici, nous parlons d’ondes gravitationnelles à l’échelle de milliards de kilomètres capables de persister pendant des périodes de plusieurs mois, années, voire décennies.

Cependant, les ondes gravitationnelles à basse fréquence sont beaucoup plus évasives. Ainsi, aussi sensibles que soient LIGO et Virgo, les détecteurs à l’origine de la découverte des premières salves d’ondes gravitationnelles sont bien incapables de les détecter. Même LISA ne sera pas en mesure de le faire.

Pour les détecter, les astronomes avaient besoin d’une antenne à ondes gravitationnelles de la taille de toute la galaxie et d’un moyen incroyablement précis de mesurer le temps. C’est là que le programme NANOGrav est entré en jeu. Via trois observatoires radio, des astronomes ont ici transformé 68 pulsars dans la Voie lactée en une énorme antenne à ondes gravitationnelles. Mais pourquoi utiliser des pulsars ?

Pulsars millisecondes

Rappelons que les pulsars se forment lorsque des étoiles massives ont épuisé leur carburant permettant la fusion nucléaire. Il n’en reste alors que le noyau, les couches externes ayant été soufflées dans une explosion de supernova.

La largeur du noyau stellaire se rétrécit à tel point que les étoiles à neutrons ont une masse voisine de celle du soleil entassée dans un corps pas plus large que celui d’une ville terrestre moyenne. En raison de la conservation du moment cinétique, cette réduction du diamètre provoque alors une « accélération » de la rotation du cadavre stellaire. Certaines étoiles à neutrons sont en effet capables de tourner sur elles-mêmes plus de 700 fois par seconde.

L’effondrement des noyaux stellaires a une autre conséquence : lorsque les lignes de champ magnétique sont entassées plus près les unes des autres, cela augmente la force du champ magnétique qu’elles comprennent. Ces champs agissent alors pour canaliser les particules vers les pôles des pulsars, où elles sont projetées sous forme de jets à une vitesse proche de la lumière depuis chaque pôle.

C’est pourquoi, depuis la Terre, les pulsars semblent « clignoter » comme des phares. Cela signifie que les pulsars peuvent être utilisés comme un excellent dispositif de chronométrage.

Ainsi, la compression et l’étirement de l’espace-temps générés par le déplacement des ondes gravitationnelles devraient normalement avoir un effet perceptible sur la synchronisation des pulsars. Toutefois, étant donné que l’effet est faible, les réseaux de synchronisation de pulsars doivent être constitués de nombreux objets largement dispersés qui doivent être surveillés pendant des années. C’est d’ailleurs exactement ce qu’ont fait les chercheurs ici. Grâce à cet énorme réseau, ils ont pu détecter le passage d’ondes gravitationnelles à basse fréquence.

pulsar objet ondes gravitationnelles
Illustration d’un pulsar. Crédits : Dr Mark A. Garlick; Institut Dunlap d’astronomie et d’astrophysique, Université de Toronto

En quoi cette découverte est-elle importante ?

La raison pour laquelle cette découverte est importante est que nous avons maintenant détecté des ondes gravitationnelles provenant de sources que nous n’avions pas encore étudiées. Cela nous prouve une fois de plus que l’univers primitif était rempli de binaires de trous noirs supermassifs.

En outre, nous savons que la plupart, sinon la totalité, des galaxies ont en leur coeur un trou noir supermassif. Cependant, on ignore encore comment ces titans cosmiques se sont développés en premier lieu. Un mécanisme suggéré est une série de fusions entre des paires binaires de trous noirs de plus en plus grandes.

Enfin, il est également possible qu’une infime part de ces signaux d’onde gravitationnelle captés provienne d’ondes gravitationnelles créées au début des temps pendant… le Big Bang.

Ainsi, ces preuves rapportées montrent une fois de plus que les observations d’ondes gravitationnelles peuvent  nous ouvrir une toute nouvelle fenêtre sur l’univers. Dans les années et les décennies à venir, les chercheurs pourront possiblement être en mesure de reconstituer en détail toute son histoire.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.