Les poissons mangent du plastique depuis les années 50

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Crédits : Kate Golembiewski, Field Museum

Des biologistes ont disséqué les voies digestives de plusieurs poissons conservés dans les collections du Field Museum de Chicago pour analyse l’impact du plastique sur ces espèces au cours du siècle dernier. Sans surprise, ces animaux ingèrent du plastique depuis des décennies.

Des recherches récentes ont souligné des effets inquiétants des microplastiques sur les organismes marins. Nous savons qu’ils peuvent provoquer des anévrismes et des changements dans la reproduction chez les poissons, affecter les performances cognitives des bernard-l’ermite, ou encore affaiblir les moules, pour ne citer que ces exemples. Mais concrètement, depuis quand le plastique est-il réellement un problème pour les poissons ?

« Au cours des dix ou quinze dernières années, le public a en quelque sorte pris conscience qu’il y avait un problème de plastique dans l’eau« , explique Tim Hoellein, professeur agrégé de biologie à l’Université Loyola de Chicago. « En réalité, nous pensons que ces organismes ont probablement été exposés à des déchets plastiques depuis le début de la démocratisation de ces matières« . Mais était-ce vraiment le cas ? Et si oui, dans quelle mesure ?

Une étude sur les poissons d’eau douce

Pour le savoir, l’équipe du Dr. Hoellein s’est appuyée sur les collections du célèbre Field Museum de Chicago, qui abrite en sous-sol environ deux millions de spécimens de poissons conservés dans de l’alcool. Dans le cadre de ces travaux, les chercheurs se sont concentrés sur les microplastiques, ces minuscules fragments d’une taille inférieure à 5 mm.

L’étude s’est focalisée sur quatre espèces d’eau douce en particulier : l’Achigan à grande bouche ((Micropterus salmoides), le Méné paille (Notropis stramineus), le Barbue de rivière (ctalurus punctatus) et le Gobie à taches noires (Neogobius melanostomus). Les chercheur ont essayé d’obtenir au moins cinq spécimens par décennie isolés entre 1900 et 2017. Pour compléter le tableau, ils ont également collecté de nouveaux échantillons de ces mêmes espèces.

Après avoir disséqué les voies digestives de ces poissons (de l’œsophage à l’anus), les biologistes les ont ensuite traitées avec du peroxyde d’hydrogène, qui permet la décomposition de la matière organique mais laisse intacts les éventuels morceaux de plastique. Ils ont finalement collaboré avec des chercheurs de l’Université de Toronto pour confirmer la signature chimique de ces fragments à l’aide de la spectroscopie Raman.

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Crédits : Kate Golembiewski, Field Museum

Du plastique au menu depuis 70 ans

Résultat, ces travaux n’ont révélé aucun plastique jusqu’au milieu du siècle dernier. En revanche, les concentrations de polluant ont commencé à grimper en flèche dès les années 50, lorsque la fabrication de matières plastiques a été industrialisée. À l’époque, on commençait à en fabriquer de toutes sortes : des rigides, des souples, des colorés, des faciles à nettoyer.

« Toutes les particules détectées étaient des fibres et représentaient des polymères plastiques (par exemple, du polyester) avec des mélanges de textiles naturels et synthétiques« , souligne l’étude.

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Une longue fibre plastique isolée dans le tube digestif d’un poisson. Crédits : Loren Hou

Sans surprise, les chercheurs ont également remarqué que, plus on avançait dans le temps, et plus les concentrations de plastique dans les voies digestives de ces poissons étaient importantes, avec un « boom » enregistré au cours des vingt dernières années.