Les dépôts de la Formation de Green River, dans le Wyoming, qui datent de l’époque de l’Éocène, ont produit plusieurs dizaines de fossiles de chauves-souris au cours des cinquante dernières années. Cependant, tous ne représentaient que deux espèces. Dans le cadre de nouveaux travaux, une équipe de paléontologues décrit la découverte d’une nouvelle espèce basée sur deux squelettes articulés. La position stratigraphique relative de ces fossiles indique également qu’il s’agit des plus anciens squelettes de chauve-souris récupérés à ce jour dans le monde. Les détails de l’étude sont publiés dans la revue PLOS One.
L’importance des chauves-souris
Avec plus de 1 400 espèces connues, les chauves-souris constituent le deuxième groupe de mammifères le plus spécifique. Vous les retrouverez partout dans le monde à l’exception des régions polaires et de quelques îles éloignées. Ces animaux, qui occupent une grande variété d’habitats et de niches écologiques, jouent un rôle vital dans des écosystèmes naturels sains et fournissent de nombreux services écosystémiques importants pour les économies humaines (lutte antiparasitaire, pollinisation et dispersion des graines). Les chauves-souris sont également les seuls mammifères capables d’un véritable vol motorisé.
Pour toutes ces raisons, leur étude est importante. Et pour mieux les comprendre, il est essentiel de remonter leur histoire. Mais quand ces animaux sont-ils apparus pour la première fois ?
L’époque de l’éocène
Jusqu’à présent, les plus anciens fossiles de chauve-souris connus à ce jour avaient été découverts dans la Formation de Green River, aux États-Unis. Ces fossiles comprennent deux genres et espèces distincts : Icaronycteris index et Onychonycteris finneyi. La datation des couches sédimentaires dans lesquelles ils ont été trouvés suggère que ces animaux évoluaient il y a environ cinquante millions d’années, durant l’époque de l’Éocène (56 à 36 millions d’années).
L’analyse de ces fossiles a montré que ces chauves-souris primitives possédaient déjà certaines caractéristiques clés des chauves-souris modernes comme des ailes formées par des membranes de peau tendues entre les doigts allongés de leurs membres antérieurs. Onychonycteris finneyi est plus particulièrement intéressant, car il ne présente pas de preuves claires de capacité d’écholocation, possédée par la plupart des chauves-souris modernes pour détecter et localiser les objets dans leur environnement. Cela suggère que les chauves-souris primitives étaient capables de voler avant de développer l’écholocation.

La plus ancienne espèce connue
Une équipe dirigée par Tim Rietbergen, du Naturalis Biodiversity Center de Leiden, aux Pays-Bas, annonce avoir identifié deux nouveaux fossiles représentant une autre espèce dans cette même formation. Ces restes seraient datés de 52 millions d’années environ, ce qui en fait les plus anciens connus à ce jour.
Au cours de leurs travaux, les chercheurs ont comparé ces nouveaux fossiles avec des squelettes intacts de six espèces de chauves-souris datant de la même époque, ainsi qu’avec des dents isolées de deux autres espèces éteintes et avec des squelettes de chauves-souris vivantes. Ils ont alors déterminé que les squelettes de chauve-souris nouvellement découverts appartiennent à une espèce inédite d’Icaronycteris. Elle est désormais nommée I. gunnelli d’après le regretté biologiste Greg Gunnell, spécialiste des chauves-souris.
Physiquement, cette nouvelle espèce était légèrement plus petite que Icaronycteris index, l’espèce de chauve-souris apparentée la plus proche, et pouvait facilement tenir dans une main humaine. En revanche, des analyses détaillées suggèrent que l’animal pesait entre 22,5 à 28,9 g, ce qui correspond à peu près à la même masse corporelle que sa cousine. D’après les auteurs, cet écart entre le poids reconstruit et l’envergure pourrait être dû à la déformation des os lors du processus de fossilisation.
