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Une vue aérienne d'un "cerf-volant" du désert de Jebel az-Zilliyat, en Arabie Saoudite. Crédits : O. Barge/CNRS

Les plus anciens plans de mégastructure au monde pourraient avoir 8 000 ans

Dans la péninsule arabique, plusieurs gravures taillées dans la roche pourraient constituer les premiers diagrammes à l’échelle connus de l’histoire. Cela pourrait par ailleurs témoigner d’une compréhension sophistiquée de l’espace par les humains il y a environ 8 000 ans. Les détails de l’étude sont publiés dans la revue PLOS One.

Des méga-pièges pour chasser le gibier

Les « cerfs-volants » du désert sont des structures architecturales historiques construites dans certaines régions du Moyen-Orient et de l’Asie centrale. De forme circulaire ou rectangulaire, elles sont délimitées par des murets de pierre avec des fosses à l’intérieur. Ces structures peuvent varier en taille et en complexité, allant de simples enceintes à des systèmes plus élaborés.

L’objectif précis de ces « cerfs-volants » reste incertain et fait encore l’objet de débats. Cependant, l’une des principales théories avancées suggère qu’ils étaient utilisés comme des enclos ou des pièges pour capturer ou garder des proies. Les murets de pierre auraient été utilisés pour guider les animaux vers les fosses situées à l’intérieur de l’enceinte.

En raison de leur taille massive, les cerfs-volants ne peuvent pas être vus dans leur intégralité depuis le sol. Les archéologues ont remarqué ces structures environ cent ans après les débuts de la photographie aérienne.

Notez au passage que l’origine de l’appellation « cerfs-volants » pour ces structures n’est pas encore clairement établie. Cependant, certains chercheurs pensent qu’elles tirent leur nom de leur apparence aérienne qui peut évoquer la forme d’un cerf-volant traditionnel. Les murets de pierre qui délimitent l’enceinte seraient en effet comparés aux lignes de la ficelle du cerf-volant, tandis que les fosses à l’intérieur seraient associées à la forme du cerf-volant en lui-même.

Des gravures découvertes à proximité

Par ailleurs, la découverte récente de motifs de type architectural gravés dans des roches en Jordanie et en Arabie saoudite pourrait nous montrer comment les humains du néolithique planifiaient ces « méga-pièges ». Ces gravures faites il y a environ 8 000 ans pourraient alors représenter les premiers diagrammes à l’échelle de l’histoire humaine.

L’une de ces gravures détaillées est un monolithe de calcaire gravé du site archéologique de Jibal al-Khashabiyeh, en Jordanie. La pierre de près de 80 centimètres aurait servi de toile sur laquelle ces hommes du Néolithique ont sculpté de longues lignes ressemblant à des cerfs-volants capables de conduire les animaux dans une enceinte. Cette enceinte était dotée de huit dépressions en forme de coupe, chacune représentant un piège à fosse.

Le second exemple, découvert en Arabie saoudite, montre deux cerfs-volants sculptés dans un énorme rocher de grès de plus quatre mètres sur deux. Bien que fabriqué dans un style différent de celui de la Jordanie, le diagramme représente également des formes similaires.

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Une photographie de la pierre gravée au moment de sa découverte sur le site de Jibal al-Khashabiyeh en Jordanie. Le monolithe a été trouvé allongé et placé verticalement pour la photographie. Crédits : SEBAP & Crassard et al. 2023 PLOS One
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Le rocher gravé de Jebel az-Zilliyat, en Arabie saoudite, représentant deux cerfs-volants du désert. Crédits : Crassard et al. 2023 PLOS One

Les plans de pièges réels

Pour ces travaux, les archéologues au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), ont également effectué des calculs mathématiques pour comparer les diagrammes taillés dans la roche avec la forme et les dimensions de cerfs-volants connus. Ces comparaisons ont révélé des scores de similitude. Le diagramme de Jordanie s’est avéré être le plus similaire à un cerf-volant situé à 2,3 kilomètres. De son côté, le diagramme d’Arabie saoudite était le plus similaire à un cerf-volant à 16,3 km. Il était aussi très proche en apparence d’un autre distant de 1,4 km.

« Les gravures sont étonnamment réalistes et précises, et sont de plus à l’échelle, comme l’observe l’évaluation de la similarité des formes basée sur un graphique géométrique« , notent les auteurs dans l’étude.

Il est possible que ces diagrammes aient été utilisés pour construire les cerfs-volants en premier lieu. L’équipe émet aussi l’hypothèse qu’un groupe de personnes se préparant à une activité de chasse aurait pu étudier et discuter d’un piège déjà construit. Si tel est le cas, ils auraient par exemple pu débattre sur la coordination et la position des chasseurs ou anticiper le comportement des animaux pris au piège.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.