À en croire ces fossiles, les plantes se replient la nuit depuis très longtemps

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Preuve de dommages causés par l'alimentation des insectes sur une feuille fossile. Crédits : Current Biology/Feng et al.

Certaines plantes montrent des « mouvements de sommeil », pliant ou soulevant leurs feuilles chaque nuit avant de les rouvrir le lendemain. Dans la revue Current Biology, des chercheurs offrent la première preuve convaincante de ces mouvements nocturnes dans des plantes fossiles qui vivaient il y a plus de 250 millions d’années.

Nyctinastie foliaire

Les plantes peuvent se déplacer de diverses manières complexes en réponse à des stimuli externes. Ces mécanismes comprennent des réponses à des déclencheurs environnementaux comme la lumière, la gravité, l’humidité ou le contact.

La nyctinastie, les mouvements impliquant un pliage rythmique circadien, est un autre de ces comportements. Peut-être l’avez-vous déjà remarqué dans votre jardin ? Certaines plantes enroulent leurs feuilles ou pétales dès que la nuit tombe et ne les redéploient qu’au petit matin.

Ce comportement attire l’attention des scientifiques depuis des siècles. Le célèbre naturaliste Charles Darwin s’est aussi penché dessus. Son examen systématique des plantes montrant des « mouvements de sommeil (pliage) des feuilles » l’avait amené à conclure dès 1880 que la famille des légumineuses (Fabaceae) comprend beaucoup plus d’espèces nyctinastiques que toutes les autres familles réunies. Darwin avait également découvert qu’un organe moteur spécialisé, le pulvinus, est responsable de la plupart des mouvements de sommeil des feuilles des plantes.

Cependant, l’origine, l’histoire évolutive et les avantages fonctionnels des mouvements de sommeil foliaire restent ambigus en raison du manque de preuves fossiles, d’où l’intérêt de cette étude.

Se protéger des insectes ?

On ignore encore précisément pourquoi certaines plantes « ferment boutique » pour la nuit. Certains scientifiques ont proposé que ce comportement puisse jouer un rôle dans la régulation de leur température. D’autres ont évoqué l’idée que la nyctinastie pourrait être un moyen de lutter contre les insectes. En s’enroulant étroitement, les végétaux offriraient en effet moins de couverture à tout ce qui s’en nourrit.

Si tel est le cas, ce mécanisme de défense n’est pas un bouclier à toute épreuve. L’un des signes révélateurs de la nyctinastie est que les feuilles des plantes concernées sont souvent grêlées de petits trous parfaitement symétriques. Imaginez un enfant découper des formes dans du papier plié pour faire un flocon de neige. Ici, c’est un peu pareil : tout trou percé dans une feuille pliée par un insecte apparaîtra des deux côtés de cette feuille lorsqu’elle se redéploiera.

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Une feuille de Bauhinia qui montre des signes de dommages symétriques causés par l’alimentation des insectes. Crédits : Zhuo Feng

Au moins 250 millions d’années

Naturellement, il est impossible de dire si une feuille retrouvée pliée dans les archives fossiles l’a été parce qu’elle possédait ce comportement de sommeil. Il est en effet aussi possible que le processus de fossilisation l’ait simplement modelée de cette manière. C’est pourquoi, dans cette étude, les chercheurs ont eu l’idée de se focaliser sur ces fameux schémas de dommages causés par ces fameux insectes aux plantes à comportement nyctinastique.

Au cours de ses analyses, l’équipe a finalement identifié un groupe de plantes fossiles ayant ce type de stratégie comportementale : les gigantoptérides. Ces plantes, qui se sont éteintes lors de l’événement d’extinction du Permien-Trias, arboraient des frondes ressemblant à des fougères et des tiges ligneuses. Elles poussaient sur environ 25 centimètres de haut et rampaient possiblement sur les arbres comme des vignes. Il y a environ 250 millions d’années, ces plantes étaient visiblement pliées lorsqu’elles étaient mordues.

Quant à savoir si ce comportement a été développé spécifiquement pour contrer ces attaques d’insectes, on l’ignore encore.