Selon une étude, les astronautes qui passent plus de six mois dans l’espace souffrent jusqu’à deux décennies de perte osseuse, dont une grande partie pourrait être irréversible. Cette découverte pourrait présenter un sérieux défi pour les futures missions en équipage vers Mars.
Nous sommes le fruit de millions d’années d’évolution modelée sous la contrainte mécanique constante causée par la gravité terrestre. C’est pourquoi les séjours prolongés dans l’espace soumettent nos corps à rude épreuve. Dysfonctionnement vestibulaire, perte de poids, l’atrophie musculaire ou encore baisse du nombre de globules rouges, la liste des troubles connus est aujourd’hui très longue. Nous savons également depuis plusieurs années qu’un séjour prolongé dans l’espace peut affaiblir les os des astronautes. Une étude publiée dans Science Advances nous montre que le problème est plus inquiétant que prévu. Comprendre et surmonter ces défis sera pourtant essentiel si nous voulons un jour nous établir sur la Lune ou sur Mars.
Des os plus vieux de dix ans
Dans le cadre de ces travaux, des chercheurs de l’Université de Calgary (Canada) ont analysé les os de dix-sept astronautes (quatorze hommes et trois femmes) ayant séjourné à bord de l’ISS pendant quatre à sept mois. La moyenne d’âge était de 47 ans.
L’équipe s’est concentrée sur trois régions osseuses particulières : les poignets, les chevilles et les tibias. Toutes ces parties du corps ont été scannées (par tomographie quantitative périphérique à haute résolution) avant leur séjour dans l’espace et dès leur retour. Les scientifiques ont ensuite effectué des analyses de suivi à six et douze mois. Ces données ont permis de déterminer la teneur en minéraux osseux et la densité osseuse de chaque astronaute.
Résultat : l’exposition des astronautes à la microgravité de l’espace leur aurait fait subir une perte osseuse équivalente à deux décennies de vieillissement. Sur les dix-sept astronautes, seize n’avaient pas retrouvé leur force de tibia préspatiale après un an de récupération. Sur cet échantillon, les os de tibia de ceux qui avaient passé plus de six mois dans l’espace (huit astronautes) avaient toujours subi l’équivalent d’une décennie de vieillissement. Autrement dit, ces derniers n’avaient récupéré que la moitié de leur capacité osseuse un an après leur retour sur Terre. En revanche, les os des avant-bras (rayons) des astronautes s’étaient à peine affaiblis, probablement parce que ces os ne supportaient quasiment aucun poids.
L’importance des exercices
Le squelette est composé de deux types d’os. D’un côté, il y a l’os compact ou cortical. Rigide et cylindrique, il constitue la paroi des os longs. D’un autre côte, on retrouve l’os trabéculaire (ou spongieux) qui est constitué de travées lâches et irrégulières. Il représente environ 1/5e de la masse osseuse et renforce l’os cortical de l’intérieur. Lorsque nous perdons de la densité osseuse, une partie de ce « nid d’abeille » disparaît. Cela a pour effet de réduire la résistance des os qui deviennent de fait plus vulnérables à la rupture. C’est ce qui s’est produit ici avec les astronautes.
« Nous avons vu que bon nombre de ces connexions sont perdues pendant les vols spatiaux. Et bien que de nouveaux os se forment lors du retour sur Terre, la capacité du corps à remplacer complètement ces tiges manquantes est hautement improbable« , soulignent les auteurs.
Toujours selon les chercheurs, l’appareil d’exercices ARED, présent à bord de l’ISS depuis 2009 pour des exercices de résistance en apesanteur, aurait permis de ralentir le taux de perte osseuse. Cela signifie que des régimes d’entraînement spécifiques seront essentiels pour atténuer la perte osseuse dans le cadre des missions longue durée dans l’espace.
Les scientifiques prévoient maintenant une étude de suivi pour évaluer les impacts des voyages de plus de sept mois sur les os. Ceux qui ont passé plus de temps dans l’espace ayant perdu plus d’os, nous pourrions donc imaginer que le fait de passer encore plus de temps dans l’espace peut entraîner une perte osseuse supplémentaire. Cependant, les chercheurs aimeraient savoir si le corps humain pourrait atteindre une limite de perte osseuse à un moment donné.