salle de trône Pérou Pañamarca culture Moche Mochicas
Crédits : Lisa Trever/Pañamarca Digital/Musée de la nature et des sciences de Denver

Pérou : cette salle du trône vieille de 1300 ans… était celle d’une femme

Des archéologues au Pérou ont découvert des preuves qui pourraient indiquer qu’une femme régnait dans une vallée côtière pendant la culture ancienne des Moche (ou Mochicas), il y a plus de 1 300 ans. Ils ont notamment découvert un trône en pierre et des scènes uniques représentées dans des peintures murales élaborées sur le célèbre site archéologique de Pañamarca.

Une découverte passionnante appartenant à la culture Moche à Pañamarca

Pañamarca, un site archéologique situé à plus de 400 km au nord de Lima, la capitale péruvienne, a été construit et occupé par les Mochicas, une civilisation indigène qui a prospéré entre environ 350 et 850 de notre ère, soit des siècles avant que les Incas ne construisent Machu Picchu au sud-est.

Redécouvert par des archéologues dans les années 1950, ce site contient des plateformes monumentales en adobe, des murs et des temples, et est surtout très connu pour ses peintures colorées et élaborées, réalisées avec des pigments minéraux humides comme les oxydes de fer et les argiles. Certaines de leurs célèbres fresques peuvent être trouvées dans leurs temples du Soleil et de la Lune près de l’actuelle Trujillo. Et si la culture a mystérieusement disparu au IXe siècle sans laisser aucun écrit derrière elle, son art lui survit pour la postérité.

Des chercheurs péruviens et américains associés au programme de recherche « Archaeological Landscapes of Pañamarca » étudient donc ce site Moche depuis 2018 pour en apprendre plus sur cette culture ancienne. Or, lors de leur session de terrain la plus récente, ils ont trouvé une salle de trône datant du VIIe siècle (une époque où la culture mochica occupait les vallées côtières du nord-ouest du Pérou).

salle de trône Pérou Pañamarca culture Moche Mochicas
Source: DR
César Alfredo Velásquez (conservateur) et Pedro Neciosup (archéologue-peintre) travaillant sur le trône peint. Crédits : Lisa Trever/Pañamarca Digital/Musée de la nature et des sciences de Denver

Une salle de trône vraiment unique

Selon un communiqué, l’aspect le plus fascinant de cette découverte est que les murs et les piliers de la salle sont couverts de scènes peintes impliquant une femme puissante. Dans une œuvre, elle reçoit une ligne de visiteurs et dans une autre, elle est assise sur un trône. Ainsi, ces fresques anciennes « pourraient indiquer que c’était une femme qui utilisait cet espace, peut-être une dirigeante », explique Jessica Ortiz Zevallos, la directrice du projet, à Reuters.

Depuis que les chercheurs ont commencé à étudier Pañamarca, ils ont trouvé des fresques représentant des prêtres et des prêtresses, des guerriers, des êtres surnaturels, un homme à deux visages, et des cérémonies impliquant des prisonniers. Néanmoins, le communiqué note qu’« une salle de trône pour une reine n’a jamais été vue auparavant à Pañamarca, ni ailleurs dans l’ancien Pérou ».

« Pañamarca continue de nous surprendre, non seulement pour la créativité incessante de ses peintres, mais aussi parce que leurs œuvres bouleversent nos attentes concernant les rôles de genre dans le monde mochica ancien », affirme ainsi Lisa Trever, une historienne de l’art à l’Université de Columbia. En effet, « les dirigeantes féminines n’étaient pas rares dans la société Moche ancienne ou dans les dynasties du nord du Pérou qui ont suivi. Il existe des preuves en abondance de l’autorité féminine, la plupart provenant de contextes funéraires, au fil des siècles de cette histoire. »

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Source: DR
Fresques montrant la femme couronnée avec un sceptre (en haut à gauche), une procession d’hommes derrière elle (en haut à droite) et un atelier textile (en bas). Crédits : Lisa Trever/Pañamarca Digital/Musée de la nature et des sciences de Denver

Une salle de trône portant des signes d’usure

Les chercheurs ont trouvé cette salle de trône à piliers ornée de fresques montrant la femme puissante mêlée à des créatures marines et des représentations de la Lune croissante. Ils ne savent pas si la figure représentée dans les fresques de la salle de trône était mythique ou réelle ni même si elle était prêtresse, déesse ou reine. « Les sépultures de haut rang des hommes mochicas ont plus souvent été décrites comme des « seigneurs », mais les femmes comme des « prêtresses » », explique en effet Lisa Trever. En tout cas, « les découvertes à Pañamarca renforcent l’idée que les femmes puissantes dans l’art et la vie mochica ancienne n’étaient pas seulement des « prêtresses », mais qu’elles exerçaient une véritable autorité sociale et politique. »

Les archéologues sont également sûrs d’autre chose : la salle a beaucoup servi. En effet, le dos du trône porte des traces d’érosion et l’équipe a trouvé des perles de pierre verte, des fils fins et des cheveux humains dessus. Ensemble, ces signes d’usure « montrent clairement que [le trône] était occupé par une personne réelle et toutes les preuves indiquent une femme dirigeante de Pañamarca du VIIe siècle ».

Une décoration des plus soignées

« Il n’y a pas une surface dans cette zone qui soit nue. Tout est peint et finement décoré avec des scènes mythologiques et des personnages », décrit l’archéologue José Ochatoma. Il compare d’ailleurs la salle à la chapelle Sixtine du Vatican, dont le plafond porte des figures et des scènes bibliques peintes en fresques par Michel-Ange. Celle du Pérou est toutefois « un lieu où ils ont capturé des scènes appartenant à l’idéologie Moche ».

Les chercheurs ont aussi découvert une salle voisine surplombant une place qu’ils ont appelée la « Chambre des serpents tressés » en raison d’une fresque représentant une figure avec des jambes entrelacées de serpents, un motif qui n’avait pas été découvert auparavant (voir l’illustration digitale ci-dessous). La salle contient aussi d’autres fresques représentant des guerriers, des armes anthropomorphisées et un monstre poursuivant un homme.

fresque Chambre des serpents tressés
Source: DR
Crédits : Michele L. Koons, Jorja García et Lisa Trever/Pañamarca Digital/Musée de la nature et des sciences de Denver

« Nous découvrons une iconographie qui n’a jamais été vue auparavant dans le monde préhispanique », s’émerveille José Ochatoma. « Nous disons souvent que Pañamarca était un lieu de créativité sans précédent et chaque saison, il semble que ce point devient encore plus vrai », conclut Lisa Trevers. Au regard de l’importance historique de ces fresques, les chercheurs concentrent à présent tous leurs efforts sur leur protection et la préservation des lieux.

Julie Durand

Rédigé par Julie Durand

Autrefois enseignante, j'aime toujours autant partager mes connaissances et mes passions avec les autres. Je suis notamment passionnée par la nature et les technologies, mais aussi intriguée par les mystères nichés dans notre Univers. Ce sont donc des thèmes que j'ai plaisir à explorer sur Sciencepost à travers les articles que je rédige, mais aussi ceux que je corrige.