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Pour la première fois, des scientifiques ont déterminé la structure génomique tridimensionnelle des cellules de la peau d'un mammouth laineux (Mammuthus primigenius). Crédits : Photo de Love Dalén, Université de Stockholm

Une peau de mammouth révèle pour la première fois la forme 3D de son ADN

La préservation exceptionnelle d’une carcasse de mammouth laineux vieille de 52 000 ans a permis aux scientifiques de réaliser une avancée majeure : déterminer la structure tridimensionnelle du code génétique de cet animal préhistorique. Cette prouesse marque une étape importante vers le séquençage complet du génome de l’espèce. Ce progrès pourrait également éclairer les efforts pour ressusciter cette espèce disparue, un processus souvent appelé « dé-extinction ».

Une préservation inédite

En 2018, un spécimen de mammouth laineux surnommé YakInf avait été découvert près de Belaya Gora, en Sibérie, dans la République de Sakha. Cet animal, datant du Pléistocène tardif, était exceptionnellement bien conservé, couvert de poils et avec des tissus intacts grâce à une congélation naturelle suivie d’une lyophilisation et d’une transition vitreuse.

Dans le détail, la lyophilisation est un processus qui se produit lorsque l’eau dans les tissus congelés subit une sublimation, passant directement de l’état solide (glace) à l’état gazeux (vapeur d’eau) sans devenir liquide. Cela déshydrate les tissus tout en maintenant leur structure. La transition vitreuse fait quant à elle référence à la transformation en verre de certains matériaux, y compris les tissus biologiques, dans des conditions de froid extrême. Dans cet état, les molécules se déplacent très lentement, ce qui ralentit considérablement les processus de dégradation. Cette vitrification aide ainsi à préserver les structures cellulaires et moléculaires des tissus pendant de très longues périodes.

Des techniques innovantes

Cette préservation a permis aux cellules et chromosomes de rester quasiment intacts pendant des millénaires. Une équipe de scientifiques dirigée par Juan Antonio Rodríguez, de l’Université de Copenhague, a récemment utilisé une méthode innovante pour analyser cet ADN ancien : la High-Throughput Chromosome Conformation Capture Technique (Hi-C), adaptée pour les échantillons anciens sous le nom de PaleoHi-C.

Cette technique permet de détecter les sections d’ADN proches les unes des autres afin de fournir une carte 3D du génome. Cette analyse a ainsi révélé que le mammouth laineux possédait 28 paires de chromosomes identiques à celles des éléphants modernes. De plus, elle a permis de comprendre comment ces chromosomes étaient pliés dans les noyaux des cellules de peau du mammouth, une information cruciale pour déduire la fonction cellulaire à partir de la structure génomique.

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Deux scientifiques examinent la peau de YakInf, un mammouth laineux vieux de 52 000 ans, après son extraction du pergélisol en Sibérie. Crédits : Photo de Love Dalén, Université de Stockholm
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Un follicule pileux provenant de la peau d’un mammouth laineux (Mammuthus primigenius) vieux de 52 000 ans. C’est la première fois qu’un follicule pileux de mammouth laineux est observé au microscope. Crédits : Elena Kizilova (Institut de cytologie et de génétique SB RAS)

Des implications pour la dé-extinction du mammouth et la science génétique

Cette avancée dans la cartographie du génome 3D du mammouth laineux, décrite dans la revue Cell, offre des perspectives fascinantes pour la biologie et la paléontologie. La structure tridimensionnelle des chromosomes a notamment révélé des gènes actifs au moment de la mort de l’animal, notamment ceux impliqués dans la croissance des poils. En comparant ces gènes à ceux des éléphants modernes, les chercheurs espèrent identifier les mutations spécifiques qui différencient les mammouths laineux de leurs descendants contemporains. Cette connaissance pourrait potentiellement alimenter les efforts de « dé-extinction » visant à recréer des mammouths laineux par ingénierie génétique.

Cependant, les auteurs de l’étude insistent sur le fait que leur principal objectif n’était pas de ressusciter les mammouths, mais de mieux comprendre le passé pour éclairer les décisions futures. Olga Dudchenko, co-auteure de l’étude et professeure adjointe au Baylor College of Medicine, souligne que l’étude de l’architecture génomique est une étape cruciale, mais qu’il reste encore de nombreuses inconnues avant de pouvoir envisager sérieusement la dé-extinction.

La capacité de reconstruire le génome en 3D pourrait aussi avoir des applications plus larges dans la génomique et la médecine. Comprendre comment les chromosomes se plient et interagissent dans les noyaux cellulaires peut en effet offrir des aperçus précieux sur les mécanismes de régulation génétique et les maladies. En outre, ces techniques pourraient être appliquées à d’autres espèces éteintes ou menacées, offrant ainsi un nouvel outil pour la conservation de la biodiversité.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.