Ce 4 novembre 2025 à 22h03 précises, la Guyane française sera le théâtre d’un événement crucial pour l’autonomie spatiale européenne. Depuis le Centre spatial de Kourou, une fusée Ariane 6 s’élancera dans la nuit tropicale pour placer en orbite Sentinel-1D, un satellite d’observation doté de capacités radar exceptionnelles. Cette mission représente bien plus qu’un simple lancement : elle incarne la montée en puissance progressive d’Ariane 6 et assure la continuité d’un programme vital pour la surveillance environnementale du continent. Troisième décollage de l’année pour ce lanceur nouvelle génération, ce vol marque une étape décisive dans le calendrier spatial européen.
Un satellite aux yeux qui percent les ténèbres
Sentinel-1D n’est pas un satellite d’observation ordinaire. Contrairement aux satellites optiques classiques qui dépendent de la lumière solaire et d’un ciel dégagé, cet engin de 2,3 tonnes embarque un instrument radar à synthèse d’ouverture capable de percer littéralement les nuages et l’obscurité. Qu’il pleuve, qu’il vente ou que la nuit soit tombée, Sentinel-1D continue d’acquérir des images détaillées de la surface terrestre avec une résolution impressionnante.
Cette capacité tout-temps s’avère particulièrement précieuse pour surveiller des phénomènes qui ne respectent pas les conditions météorologiques idéales. Les inondations, les glissements de terrain, les mouvements de glaciers, les marées noires ou encore l’évolution des zones forestières peuvent ainsi être documentés en continu, sans interruption due aux caprices du temps.
Le satellite sera positionné sur une orbite héliosynchrone à 693 kilomètres d’altitude. Cette configuration particulière lui permet de survoler les mêmes régions à la même heure locale, facilitant la comparaison d’images prises à différentes dates pour détecter les changements environnementaux.
Une relève attendue pour maintenir la continuité
Sentinel-1D arrive à point nommé. Il vient remplacer Sentinel-1A, pionnier de la constellation lancé en 2014, qui montre aujourd’hui des signes de fatigue après plus d’une décennie de service loyal. Les performances du vétéran se dégradent progressivement et sa fin de vie opérationnelle approche inexorablement.
Le nouveau venu formera une constellation complète avec son jumeau Sentinel-1C, garantissant ainsi une couverture radar continue et fiable de notre planète. Cette redondance n’est pas un luxe : elle assure que les données cruciales pour la gestion des catastrophes naturelles, l’agriculture de précision, la surveillance maritime ou le suivi des déformations tectoniques ne connaissent aucune interruption.
Sentinel-1D apporte également son lot d’améliorations technologiques. Il intègre notamment une antenne AIS permettant d’identifier automatiquement les navires en mer, un atout majeur pour la lutte contre la pêche illégale et la surveillance des routes maritimes. Un récepteur compatible avec le système de navigation européen Galileo optimise par ailleurs son positionnement orbital avec une précision accrue.

Ariane 6 accélère sa cadence de lancement
Cette mission VA 265 constituera le quatrième vol d’Ariane 6 depuis son inauguration et le troisième de l’année 2025. La version Ariane 62, équipée de deux propulseurs d’appoint à poudre, propulsera Sentinel-1D vers son orbite en environ 34 minutes de vol.
Cette accélération du rythme témoigne de la montée en puissance du nouveau lanceur européen, même si le calendrier initial a dû être ajusté. Arianespace prévoyait initialement cinq lancements pour 2025, mais le vol inaugural de la version Ariane 64, plus puissante avec ses quatre propulseurs, a été reporté à 2026.
Ce report n’est pas anodin. La version Ariane 64 sera indispensable pour honorer des contrats majeurs, notamment le déploiement des satellites de la constellation Kuiper d’Amazon, qui nécessite une capacité d’emport bien supérieure. L’Europe spatiale doit donc patienter encore quelques mois avant de disposer pleinement de toute la gamme de capacités de son nouveau lanceur.
Un programme au service de l’environnement
Sentinel-1D s’inscrit dans le programme Copernicus, l’initiative européenne de surveillance de la Terre la plus ambitieuse jamais lancée. Pilotée par la Commission Européenne avec le soutien technique de l’Agence spatiale européenne, cette constellation de satellites fournit des données gratuites et ouvertes à tous : scientifiques, décideurs politiques, entreprises et citoyens.
Les informations collectées par les Sentinel alimentent quotidiennement des applications concrètes : prévision des récoltes, gestion des ressources en eau, cartographie des zones inondées, surveillance de la qualité de l’air, détection des incendies de forêt ou encore suivi de l’urbanisation galopante. Dans un contexte de changement climatique accéléré, ces données deviennent chaque jour plus indispensables pour comprendre et anticiper les transformations de notre planète.
Rendez-vous donc ce soir à 22h03 pour assister à ce nouveau chapitre de l’aventure spatiale européenne, visible en direct sur les canaux de diffusion d’Arianespace et de l’ESA.
