Lors de recherches sur les séquences génétiques de plantes, d’animaux et de microbes, des biologistes ont découvert un type inédit d’entité virale présent dans les bactéries de la bouche et de l’intestin humains. Ces « obélisques », comme les appelle l’équipe de l’Université de Stanford qui les a découverts, ont un génome apparemment composé de boucles d’ARN. Des séquences leur appartenant ont également été trouvées partout dans le monde. De quoi s’agit-il précisément ?
Des virus et viroïdes
Dans le cadre de récents travaux, une équipe de l’Université de Stanford a utilisé un logiciel sophistiqué pour analyser les gènes actifs des microbes humains. Les chercheurs ont spécifiquement recherché des séquences d’ARN susceptibles de former des cercles, une caractéristique commune aux virus et aux viroïdes.
Pour rappel, les virus et les viroïdes sont des entités virales qui partagent la caractéristique d’avoir leur information génétique sous forme d’ARN, contrairement à la plupart des organismes qui utilisent l’ADN. Lees virus sont des entités biologiques qui nécessitent une cellule hôte pour se répliquer. Ils sont composés d’une petite quantité d’ADN ou d’ARN enveloppé dans une coque protéique. Les virus infectent les cellules hôtes en y injectant leur matériel génétique, ce qui force la cellule à produire de nouvelles particules virales. Les virus peuvent infecter divers organismes, y compris les bactéries, les plantes, les animaux et les humains.
Les viroïdes sont de leur côté plus simples que les virus. Ce sont de petites molécules circulaires d’ARN dépourvues de protéine protectrice. Contrairement aux virus, ils n’encodent généralement pas de protéines. Ils utilisent la machinerie cellulaire de l’hôte pour leur réplication. Les viroïdes sont surtout connus pour infecter les plantes, causant parfois des maladies.
Pour vous situer, les entités virales récemment découvertes, appelées obélisques, sont des génomes à ARN circulaire qui partagent des similitudes avec les viroïdes, mais qui semblent plus complexes en raison de la présence de certaines séquences qui codent pour des protéines impliquées dans la réplication de l’ARN. Cependant, comme les viroïdes, les obélisques ne semblent pas coder pour les protéines qui constituent une coquille protectrice, une caractéristique des virus classiques.

Une nouvelle classe d’ARN
L’équipe de recherche a identifié près de 30 000 cercles d’ARN, chaque obélisque étant constitué d’environ mille bases. Pour rappel, en biologie moléculaire, une « base » fait référence à l’une des quatre molécules constitutives de l’ARN (adénine, uracile, cytosine et guanine) et la longueur totale d’une molécule d’ARN est mesurée en termes de nombre de bases. Cela donne une idée de la taille et de la complexité de ces nouvelles entités virales découvertes.
Ces entités inhabituelles ont été détectées dans 7 % des bactéries intestinales humaines et dans la moitié des bactéries présentes dans la bouche humaine. Leur impact sur la santé n’est pas encore clair, mais il est possible qu’ils modifient l’activité génétique de leurs hôtes bactériens, ce qui pourrait à son tour influencer les gènes humains. Les chercheurs considèrent désormais ces obélisques comme une nouvelle classe d’ARN ayant colonisé les microbiomes humains. Elle était restée inaperçue jusqu’à présent.
Cette découverte suscite naturellement des questions fascinantes sur l’évolution des virus. On se demande si ces derniers ont évolué à partir de structures virales plus simples telles que les viroïdes et les obélisques ou s’ils ont émergé en premier pour ensuite se dégénérer en structures plus simples. Ce domaine de recherche offre ainsi une perspective intrigante sur l’évolution à long terme des virus terrestres.
