60 % des météorites présentes sur Terre sont retrouvées en Antarctique et un millier de spécimens y sont découverts chaque année (dont un de près de huit kilos l’an dernier). Une équipe de climatologues et de glaciologues vient toutefois de tirer la sonnette d’alarme. En effet, avec le réchauffement climatique, ces objets d’origine extraterrestre se retrouvent engloutis inexorablement par les glaces. L’humanité risque ainsi de perdre à tout jamais ces archives précieuses riches en informations qui ont tant à nous apprendre sur l’Univers qui nous entoure et les origines de la vie terrestre.
Les météorites disparaissent à un rythme accéléré
Dans leur étude publiée le 8 avril dans Nature Climate Change, des chercheurs de l’Université libre de Bruxelles (Belgique) et du Laboratoire d’hydraulique, d’hydrologie et de glaciologie de l’École polytechnique fédérale de Zurich (Suisse) reviennent sur les conclusions inquiétantes de leurs recherches basées sur l’intelligence artificielle, des observations satellites et des projections de modèles climatiques. D’après leurs calculs, le réchauffement actuel dans l’Antarctique porte déjà à 5000 le nombre de météorites perdues chaque année, soit cinq fois plus que ce qui est retrouvé. À chaque dixième de degré gagné à l’échelle globale, ils estiment par ailleurs qu’une moyenne de 9 000 météorites disparaîtra de la surface glacée de l’Antarctique.
Finalement, ce sont 30 % des 300 000 à 800 000 objets qui restent encore à découvrir aujourd’hui en Antarctique qui pourraient disparaître si l’on suit la trajectoire actuelle. Toutefois, le scénario climatique le plus pessimiste (SPP5-8,5) porte quant à lui cette proportion jusqu’à 76 %. « Ces proportions sont des moyennes pour l’Antarctique. Pour les zones les plus à risque, plus de la moitié des météorites pourraient disparaître d’ici 2050 », insiste ainsi Harry Zekollari, un glaciologue à l’Université libre de Bruxelles qui a participé à la rédaction de cette étude.

Les météorites, concentrées sur la glace bleue
La glace bleue, qui ne représente en tout que 1 % de la calotte glaciaire antarctique, accueille la totalité des météorites présentes sur le Continent Austral. Dans ces zones dépourvues de neige, la croûte de ces corps rocheux noircie par la combustion lors de la traversée de l’atmosphère contraste fortement avec son environnement. Le froid va par ailleurs permettre une bonne conservation pendant des centaines de milliers d’années. « Des écoulements de glace convergent aussi dans ces zones et y concentrent les éclats de météorites », ajoute le chercheur.
Cependant, si cette croûte de couleur foncée permet une détection plus aisée, elle va surtout absorber la chaleur et la transférer à la glace aux alentours, favorisant ainsi une fonte accrue localement et les risques d’engloutissement accéléré de ces fragments de météoroïde. « Même quand les températures de la glace sont bien en dessous de zéro, les météorites chauffent tellement au Soleil qu’elles peuvent faire fondre la glace qui est en dessous d’elles. Au cours de ce processus, [elles] créent localement une dépression dans la glace et vont, au fil du temps, disparaître totalement sous la surface », explique ainsi Veronica Tollenaar, l’autrice principale de l’étude qui travaille à l’université bruxelloise.
Une fois enterrés dans la glace (même superficiellement), ces corps extraterrestres deviennent alors impossibles à déceler pour les scientifiques. Et comme le montre la présente étude, avec les vagues de chaleur plus fréquentes, ce phénomène risque de se poursuivre à un rythme effréné.

Une perte inestimable pour la science
« On espère que notre article alertera sur le risque de disparition de ces archives exceptionnelles. Nous devons accélérer et intensifier les efforts pour les retrouver. La perte de météorites dans l’Antarctique est comme la perte des données obtenues par les scientifiques dans des carottes de glace collectées sur des glaciers en voie de disparition : une fois qu’elles disparaissent, elles emportent avec elles quelques-uns des secrets de l’Univers », affirme Harry Zekollari. En effet, si les archives obtenues dans les glaces offrent des informations cruciales sur les climats passés, « les météorites sont des échantillons uniques de corps extraterrestres qui fournissent des informations déterminantes sur l’origine et l’évolution de notre Système solaire », estime le chercheur.
C’est un avis que partage Kevin Righter, conservateur de météorites pour l’Agence spatiale américaine (NASA) qui n’a pas participé à l’étude. Il pense en effet qu’en plus de perdre des informations cruciales sur la formation du Système solaire, et en particulier celle de la Terre, on peut également craindre de voir disparaître « peut-être des morceaux de Saturne ou de Vénus » uniques dont l’étude pourrait permettre d’en apprendre plus sur ces astres lointains.
En complément d’efforts plus soutenus pour retrouver ces corps extraterrestres avant qu’il ne soit trop tard, les chercheurs affirment qu’il serait possible d’améliorer l’efficacité de ces missions à court terme grâce à une analyse guidée par les données dont nous disposons afin d’identifier des zones jusqu’ici inexplorées où ces objets pourraient se trouver et de cartographier les régions où se trouve la glace bleue, propices à leur découverte.
