Un événement rarissime vient de repousser les limites de la procréation médicalement assistée. Aux États-Unis, un couple de l’Ohio a accueilli un nouveau-né issu d’un embryon congelé depuis plus de trois décennies. Une histoire à la frontière de la science et de l’émotion, qui témoigne des incroyables avancées de la fécondation in vitro.
Une naissance chargée d’histoire
Thaddeus Daniel Pierce est né en 2024, mais son histoire commence bien plus tôt : en mai 1994, pour être précis. C’est à cette date qu’un couple aujourd’hui séparé, Linda Archerd et son mari de l’époque, avait tenté une fécondation in vitro (FIV) après plusieurs années d’infertilité. Quatre embryons furent alors créés, dont l’un donna naissance à leur fille, aujourd’hui âgée de 30 ans. Les trois autres furent congelés.
Ces embryons sont restés stockés pendant plus de 30 ans, jusqu’à ce que la mère biologique décide de les faire adopter, refusant qu’ils soient détruits ou utilisés à des fins de recherche. Elle passe alors par une agence spécialisée dans l’adoption d’embryons, permettant à un autre couple, Lindsey et Benjamin Pierce, de les accueillir dans leur projet parental.
Une prouesse technique peu commune
La congélation embryonnaire pratiquée dans les années 1990 différait considérablement des protocoles modernes. À l’époque, la congélation lente était la norme, exposant les embryons à un risque accru de formation de cristaux de glace, susceptibles de les endommager. Aujourd’hui, la vitrification – une congélation ultra-rapide – permet de préserver bien mieux les structures cellulaires.
C’est pourquoi cette grossesse représentait un véritable défi médical. La majorité des cliniques de fertilité n’auraient pas accepté d’implanter des embryons aussi anciens. D’après Beth Button, directrice du programme Snowflakes qui a supervisé l’adoption, plus de 90 % des centres américains auraient refusé de les utiliser.
Et pourtant, contre toute attente, les embryons ont survécu à la décongélation. En novembre 2024, deux ont été transférés dans l’utérus de Lindsey Pierce. Neuf mois plus tard, Thaddeus venait au monde, en bonne santé malgré un accouchement difficile.

Entre éthique, foi et science
Cette histoire illustre également les enjeux éthiques qui entourent la conservation et le devenir des embryons surnuméraires. Une fois la FIV réussie, les parents biologiques peuvent se retrouver face à un dilemme : que faire des embryons restants ? Les options vont de la destruction à la recherche, en passant par l’adoption. Dans le cas de Linda Archerd, c’est la foi chrétienne qui a guidé sa décision. Elle a choisi une agence qui permet une adoption « ouverte », où les donneurs et les receveurs connaissent l’identité l’un de l’autre, ou du moins en sont informés.
De leur côté, les parents adoptifs, eux aussi croyants, ont accepté cette démarche en toute transparence. Pour eux, donner naissance à Thaddeus ne relevait pas seulement du miracle biologique, mais aussi d’une continuité spirituelle.
Une ère nouvelle pour la procréation assistée
Depuis la naissance du tout premier bébé issu d’une FIV en 1978, Louise Brown, plus de 13 millions d’enfants sont venus au monde grâce aux technologies de procréation assistée. Ces chiffres témoignent d’un tournant majeur dans l’histoire de la médecine reproductive.
L’histoire de Thaddeus ne marque pas seulement un record mondial de longévité embryonnaire. Elle montre aussi que les embryons peuvent traverser les décennies, survivre aux changements technologiques et sociétaux, et devenir un jour un enfant bien réel, aimé et attendu.
Les progrès en biologie cellulaire, en cryogénie et en protocoles de FIV ouvrent des possibilités encore insoupçonnées. Mais cette évolution s’accompagne de nouvelles questions éthiques, sociales et psychologiques, auxquelles il faudra répondre collectivement.
