Tandis que la tempĂ©rature moyenne de la Terre enregistrĂ©e en 2022 se place au cinquième rang des plus chaudes, le contenu en chaleur de l’ocĂ©an continue Ă enchaĂ®ner les records. En effet, une Ă©tude rĂ©vèle que 2022 vient d’ores et dĂ©jĂ de battre le prĂ©cĂ©dent record Ă©tablit en 2021. Les rĂ©sultats ont Ă©tĂ© publiĂ©s dans la revue Advances in Atmospheric Sciences ce 11 janvier
Si l’évolution de la température moyenne à la surface du globe est un indicateur souvent mis en avant dans les discours sur le changement climatique, ce n’est pas nécessairement toujours le plus pertinent. En effet, seul 1 % de la chaleur piégée par les gaz à effet de serre que nous rejetons sert à réchauffer l’atmosphère. Une variable bien plus signifiante est le contenu en chaleur de l’océan, lequel stocke plus de 90 % de l’excès d’énergie dû à l’augmentation des gaz à effet de serre.
Une accumulation de chaleur inexorable
En raison de la capacitĂ© de stockage de l’ocĂ©an, les variations d’une annĂ©e Ă l’autre sont bien plus faibles que dans l’atmosphère. Aussi, elle permet de suivre avec plus de facilitĂ© la dĂ©rive de long terme qui caractĂ©rise le rĂ©chauffement gĂ©nĂ©ralisĂ© du système climatique. Ă€ ce titre, les donnĂ©es compilĂ©es pour 2022 font Ă©tat d’une nouvelle annĂ©e record en termes de contenu en chaleur pour la couche situĂ©e entre la surface et 2000 mètres de profondeur. Par rapport Ă la moyenne 1981-2010, on observe une anomalie de près de 250 zettajoules (1 ZJ est Ă©gal Ă 10 puissance 21 joules).

Ce chiffre est supĂ©rieur d’environ 10 zettajoules au prĂ©cĂ©dent record enregistrĂ© en 2021. Ă€ titre de comparaison, ce surplus Ă©quivaut Ă cent fois la production Ă©lectrique mondiale sur la mĂŞme annĂ©e. « Jusqu’Ă ce que nous atteignions zĂ©ro Ă©mission nette de carbone, ce rĂ©chauffement continuera et nous continuerons Ă battre des records de chaleur ocĂ©anique, comme nous l’avons fait cette annĂ©e », souligne Michael Mann, l’un des coauteurs de l’étude.
Des impacts en cascade sur l’océan et la vie marine
L’accumulation de chaleur dans l’ocĂ©an contribue au relèvement du niveau marin car une eau plus chaude occupe un volume plus grand. Elle affecte Ă©galement l’intensitĂ© des phĂ©nomènes mĂ©tĂ©orologiques violents comme les cyclones tropicaux ou les orages. Par ailleurs, le contraste entre les zones Ă faible salinitĂ© et Ă forte salinitĂ© s’accentue en raison de l’accĂ©lĂ©ration du cycle hydrologique. « Cela met en Ă©vidence le fait que les zones salĂ©es deviennent plus salĂ©es et les zones douces plus douces », dĂ©taille Lijing Cheng, auteur principal de l’étude. Aussi, l’indice de contraste salin a atteint un niveau record en 2022.

Toutefois, les implications ne s’arrĂŞtent pas lĂ . Comme l’ocĂ©an est principalement chauffĂ© par le haut, sa stratification augmente, ce qui signifie que les couches supĂ©rieures et infĂ©rieures ne se mĂ©langent plus aussi facilement. Pour 2022, la stratification se place en septième position des plus marquĂ©es. Un impact direct de cette tendance est l’affaiblissement de l’absorption de carbone et la moindre ventilation des eaux intermĂ©diaires. AssociĂ©e Ă l’acidification de l’eau, c’est la triple peine pour la vie marine qui se trouve toujours plus exposĂ©e aux vagues de chaleur marines et Ă un dĂ©ficit en oxygène dissous.
« La désoxygénation elle-même est un cauchemar non seulement pour la vie et les écosystèmes marins, mais aussi pour les humains et nos écosystèmes terrestres », notent les chercheurs. « Une meilleure connaissance et une meilleure compréhension des océans est à la base des actions de lutte contre le changement climatique », ajoute Michael Mann.