pandémie covid cerveau
CRÉDITS : m-gucci/istock

La pandémie a littéralement vieilli votre cerveau (même si vous n’avez pas eu le COVID)

Cette sensation d’avoir pris dix ans en quelques mois pendant la pandémie n’était pas qu’une impression. Une nouvelle étude britannique révèle que la crise sanitaire mondiale a accéléré le vieillissement de notre cerveau de manière mesurable, et ce phénomène touche même les personnes qui n’ont jamais contracté le virus. Cette découverte bouleverse notre compréhension des effets psychologiques des crises mondiales sur notre organisme.

Une expérience naturelle à l’échelle planétaire

La pandémie de COVID-19 a constitué une expérience naturelle sans précédent, permettant aux scientifiques d’observer les effets du stress collectif sur notre santé cérébrale. L’équipe du Dr Ali-Reza Mohammadi-Nejad de l’Université de Nottingham a saisi cette opportunité unique pour mener une analyse d’une ampleur remarquable.

Les chercheurs ont développé une approche innovante en entraînant des algorithmes d’intelligence artificielle sur les données de plus de 15 000 participants en bonne santé, issues de la gigantesque base de données UK Biobank. Ces modèles ont ensuite été appliqués à l’analyse comparative de scanners cérébraux effectués avant et après le début de la pandémie.

L’étude a porté sur 996 individus répartis stratégiquement en deux groupes distincts. Le groupe témoin comprenait 564 personnes ayant passé deux examens cérébraux avant l’arrivée du virus, tandis que le groupe expérimental rassemblait 432 participants ayant bénéficié d’un scanner avant la pandémie et d’un second après son déclenchement.

Des changements cérébraux mesurables et inquiétants

Les résultats de cette analyse comparative, publiés dans Nature Communications, révèlent des modifications structurelles significatives dans le cerveau des participants du groupe pandémie. Les chercheurs ont identifié des variations notables dans les volumes de matière grise et blanche, indicateurs reconnus du vieillissement cérébral.

Le phénomène le plus troublant concerne les personnes n’ayant jamais contracté la COVID-19. Même ces individus présentent des signes manifestes de vieillissement cérébral accéléré, démontrant que l’infection virale n’constitue pas le seul facteur responsable. Cette observation suggère que les bouleversements sociaux, l’isolement forcé et le stress chronique de l’année 2020 ont suffi à altérer physiquement notre cerveau.

Les participants ayant des antécédents d’infection présentent des dégradations supplémentaires, notamment au niveau de la vitesse de traitement cognitif. Cette donnée confirme l’impact neurologique direct du virus SARS-CoV-2, mais elle ne minimise pas l’effet délétère du contexte pandémique sur l’ensemble de la population.

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Crédits : Plyushkin/istock

Des effets modérés mais préoccupants

Avant de céder à l’alarme, il convient de replacer ces découvertes dans leur contexte scientifique. Le professeur Masud Husain de l’Université d’Oxford, spécialiste en neurologie et neurosciences cognitives, apporte une perspective mesurée à ces résultats.

La différence d’âge cérébral observée entre les groupes ne dépasse pas cinq mois en moyenne. Cette variation, bien que statistiquement significative, reste relativement modeste à l’échelle d’une vie humaine. De même, les différences de performances cognitives se limitent principalement aux tests de rapidité mentale, sans affecter massivement les capacités intellectuelles globales.

Cette nuance importante soulève la question cruciale de l’impact réel sur le quotidien des individus concernés. Les chercheurs eux-mêmes reconnaissent que l’interprétation de ces données nécessite une grande prudence scientifique.

L’espoir d’une réversibilité

Une lueur d’optimisme émane néanmoins de cette recherche. La professeure Dorothee Auer, auteure principale de l’étude, souligne que la permanence de ces modifications cérébrales n’est pas établie. La neuroplasticité, cette capacité remarquable du cerveau à se réorganiser et se réparer, pourrait potentiellement inverser les dommages observés.

Cette perspective encourageante s’appuie sur notre compréhension croissante de la résilience cérébrale. Le cerveau humain possède une capacité d’adaptation extraordinaire, particulièrement lorsque les conditions de stress diminuent et que l’environnement redevient favorable.

Des implications au-delà de la COVID

Cette étude éclaire un phénomène plus large que la simple infection virale. Elle démontre comment les crises mondiales peuvent affecter notre santé de manières inattendues, au-delà des impacts sanitaires directs. Le stress collectif, l’incertitude économique et l’isolement social constituent des facteurs de risque neurologiques à part entière.

Les implications de cette recherche dépassent le cadre de la pandémie actuelle. Elles nous préparent à mieux comprendre et anticiper les effets des futures crises sur notre santé cérébrale. Cette connaissance pourrait orienter les politiques de santé publique vers des approches plus holistiques, intégrant la protection neurologique dans la gestion des situations d’urgence.

Vers une meilleure préparation future

Ces découvertes soulignent l’importance cruciale de développer des stratégies de résilience collective face aux crises. Comprendre que notre cerveau peut être physiquement affecté par les bouleversements sociaux nous permet d’envisager des interventions préventives plus efficaces.

La leçon principale de cette étude réside dans la nécessité d’une approche globale de la santé en période de crise, intégrant non seulement les aspects infectieux mais aussi les dimensions psychologiques et neurologiques de notre bien-être collectif.

Brice Louvet

Rédigé par Brice Louvet

Brice est un journaliste passionné de sciences. Ses domaines favoris : l'espace et la paléontologie. Il collabore avec Sciencepost depuis près d'une décennie, partageant avec vous les nouvelles découvertes et les dossiers les plus intéressants.